Stéphane Sauvé : avec Rainbold Society, nous nous centrons sur la qualité de vie et l’inclusion sociale des séniors LGBTI

Stephane Sauve Rainbold Society
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Rainbold Society anime un réseau de prestations au service des seniors LGBTI pour faciliter leur retraite dans la sérénité et la dignité. Interview de son fondateur, Stéphane Sauvé.

Pouvez-vous vous présenter ?

Ancien directeur d’EHPAD, je travaille sur ce projet depuis le mois de juin 2017.

J’ai bénéficié du parcours entrepreneur 2017 de Ticket For Change. A ce jour, je travaille seul à temps complet sur le projet.

Pouvez-vous présenter l’initiative Rainbold Society ?

Aujourd’hui, nous avons tous conscience de la problématique de l’isolement social des personnes âgées et des discriminations liées à l’âge. Par contre, une discrimination est souvent oubliée : l’homophobie.

C’est donc double peine pour ce public qui représente 1,3 millions de personnes en France et qui se trouve confronté à un isolement renforcé :

– 65% des séniors LGBTI vivent seuls (vs 15% pour les hétéros de moins de 70 ans et 55% pour les plus de 80 ans)

– 10% ont des enfants (vs 80% pour les hétéros qui ont en moyenne 1,9 enfants et 5 petits enfants)

En dépit de l’évolution positive des droits et des mentalités, les séniors LGBT restent tous plus ou moins marqués par la discrimination et inquiets quant à l’accueil qui leur sera réservé dans des structures d’accompagnement « hétéro-normées ».

Alors oui forcement, nous avons un rêve, celui d’un monde dans lequel le bien vieillir soit gai sans être obligé de retourner dans le placard ou de se réinventer une vie hétérosexuelle ou de devenir invisible.

Ce qu’il manque aujourd’hui, ce sont des espaces sécurisants et rassurants où ce public n’ait plus peur d’être jugé, discriminé, humilié ou stigmatisé. Des environnements pour vieillir sereinement, comme l’on est, et sans devoir se cacher ou mentir.

Face à l’absence de réponse concrète à ces problématiques ou d’alternatives aux modèles existants hétéro-normés, nous allons créer Rainbold Society (Société par Actions Simplifiée) et les Audacieux (Association 1901), centrées sur la qualité de vie et l’inclusion sociale des séniors LGBTI.

Nos objectifs :

. améliorer la qualité de vie des séniors LGBTI ;
. favoriser l’inclusion sociale et la solidarité intergénérationnelle ;
. promouvoir une image positive du vieillissement, quel que soit le genre et/ou l’orientation sexuelle.

Notre offre de services :

1. des rencontres mensuelles entre Audacieuses & Audacieux

. des ateliers informatique & multimédia intergénérationnels pour que la fracture numérique ne soit plus une cause d’isolement ;
. des apéros/débats pour créer du lien social, débattre et échanger ;
. un groupe de parole thérapeutique afin de pouvoir s’exprimer librement et toute sécurité sur les sujets concernant les séniors LGBTI ;
. des ateliers de co-création pour identifier les solutions du vivre ensemble de demain.

2. une maison de la diversité Rainbold Society, habitat « alternatif » participatif & inclusif, solidaire, intergénérationnel, « hétéro/homo-friendly », ouvert sur le quartier, avec un projet de mixité sociale et d’inclusion, des services d’aide à la personne, des services de soins. Habitat respectant les normes écologiques et environnementales, bénéficiant de l’ensemble des innovations luttant contre la perte d’autonomie.

Ces propositions s’adressent principalement aux séniors LGBTI mais également à tou(te)s leurs ami(e)s, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes, en activité ou à la retraite, hétéro/homo-friendly.

Comment voyez-vous le vieillissement des personnes LGBTI sur le plan social ?

Vieillir n’est pas un problème d’orientation sexuelle.

Si le vieillissement chez les personnes LGBTI n’a rien d’atypique, ce public peut se trouver confronté à plusieurs problématiques simultanées : âgisme, isolement social mais également homophobie, avec la peur du rejet de son identité, de son histoire et de la stigmatisation due à son orientation sexuelle et/ou son identité de genre et sérophobie, pour les concernés

Un bon nombre de séniors LGBTI choisissent pour éviter toute discrimination la stratégie d’invisibilité. Nous devons respecter ce choix, mais celui-ci n’est cependant pas sans conséquence :

. sur le plan collectif, une population invisible ne souffre pas et n’a donc aucun besoin ;
. au niveau individuel, la non satisfaction des besoins fondamentaux de la pyramide de Maslow (sécurité, appartenance, estime de soi, auto-accomplissement) impacte directement la santé psychique de l’individu.

L’homophobie doit donc être considérée comme un déterminant de santé.

Ce que nous souhaitons proposer à ce public, c’est d’avoir un choix, aujourd’hui inexistant, pour celles et ceux qui ne souhaitent pas renoncer à ce qu’ils sont. Et tout simplement pour pouvoir vieillir comme tout un chacun car nous prônons le droit à l’indifférence, et non le droit à la différence mais également le droit de pouvoir encore choisir son environnement de vie.

Si aucune proposition n’est faite en ce sens, le risque potentiel pour une majorité de ce public serait d’amplifier le sentiment d’insécurité liés notamment à :

. de l’homophobie intériorisée
. une faible estime de soi
. un sentiment de perte de contrôle sur sa vie
. de la frustration de voir une partie de son humanité niée
. une santé mentale affectée
. un isolement social aggravé
. un stress dû aux pressions subies pour se conformer à un modèle hétérosexuel

Dans un deuxième temps, nous proposerons des activités de sensibilisation, de formation, d’analyse de pratiques professionnelles dans les établissements et services existants.

Est-ce que ces personnes ont des besoins spécifiques ?

Très hétérogènes et similaires aux besoins des personnes âgées hétéros du même âge :

. Lien social
. Lien affectif
. Activités et loisirs « individuels » (jardinage, bricolage, lecture, cinéma,)
. Activités et loisirs « collectifs » (salons de convivialité, sorties culturelles, balades, jeux de société, …)
. Sentiment d’utilité, d’aide et de transmission
. Se faire plaisir, prendre soin de soi, pratiquer une activité physique
. Se sentir en sécurit.
. Se sentir intégré et inclus dans la société sans discrimination
. Bénéficier de services à domicile
. Augmenter son niveau de revenu
. Avoir des conseils médicaux, administratifs, financiers, fiscaux et juridiques

Le besoin spécifique est de vouloir être en sécurité : il s’agit de créer les conditions d’un environnement sécurisant avec une culture commune, où la vie quotidienne d’une personne LGBTI va de soi et ne pose aucun problème à l’entourage ni aux voisins.

Concrètement, voici quelques exemples qui ne devraient déranger personne :

. Pouvoir regarder un film LGBTI ou discuter d’un livre traitant un sujet LGBT
. Pouvoir avoir un calendrier des dieux du stade dans sa salle de bain pour un homme
. Pouvoir écouter la musique des « icones » LGBTI (Dalida, Madonna, Mylène Farmer,…)
. Pouvoir partager ses souvenirs personnels & amoureux
. Pouvoir parler « cul »
. Pouvoir exprimer sa souffrance du deuil de son conjoint décédé du SIDA
. Pouvoir mettre la photo de son partenaire de vie de même sexe
. Pouvoir dire pour une femme « elle est canon cette infirmière »,
. Pouvoir dire pour un homme « trop sexy le nouveau kiné »
. Pouvoir dire en atelier mémoire Arc-en-ciel = Gay Pride
. Pouvoir témoigner de gestes de tendresse avec son conjoint sans avoir à se cacher

Nous aimons régulièrement citer François de Singly, sociologue français, aux personnes qui pensent que nous allons créer des ghettos, ce qui est exactement le contraire de ce que nous prônons : le droit à l’indifférence.

« Quand vient le très grand âge, nous n’avons plus la force de sortir de notre monde pour commencer une nouvelle histoire. Toute notre vie, nous sommes confrontés à la différence et nous nous y adaptons.
Mais au soir de notre existence, nous nous raccrochons au communautarisme, au socle de valeurs et de souvenirs communs, car nous ne pouvons plus nous projeter dans l’avenir.
Je ne pense pas que cela soit une menace au lien social. Le grand âge est déjà une telle épreuve, ne privons pas les personnes âgées de ce petit bonheur si elles le désirent. »

Pouvez-vous nous parler de votre projet d’habitat pour les Seniors LGBTI ?

Il s’agit d’une maison de la diversité pour personnes autonomes ou faiblement dépendantes

. intergénérationnelle
. « homo/hétéro-friendly »
. sous la forme d’un habitat participatif et inclusif
. avec des services d’aide à la personne et des services de soins
. avec des activités ouvertes à et sur son environnement
. basé sur un projet social d’inclusion, de solidarité et de mixité et ancré sur son territoire.

Cette maison comprendra une vingtaine de logements privatifs, organisés dans un habitat participatif ou inclusif. Les habitants pourront ainsi mutualiser des ressources et des parties communes pour se retrouver, pour entretenir du lien social et pour partager des moments de convivialité ensemble. Car on sait désormais que c’est la recette du bien vieillir.

Il y aura des activités principalement autogérées qui serviront le lien social (la problématique du public) et qui seront ouvertes aux habitants du quartier. (ex : des cours informatiques, des ateliers de pilate ou autres, des réunions de quartier avec les associations locales…)

La mixité du collectif des habitants sera également un gage de diversité, qui pourra se décliner, en fonction des besoins du territoire, en choisissant par exemple un deuxième public concerné par l’une des 22 autres discriminations condamnées en France.

En bref, nous souhaitons proposer tout sauf un ghetto communautaire ou une cage aux folles. Mais plutôt un environnement avec une culture commune, où la vie quotidienne d’une personne LGBT va de soi et ne pose aucun problème à l’entourage ni aux voisins.

Cette maison de la diversité est inspirée par la succès story berlinoise du Schwulenberatung. Nous avons été accueillis pendant 3 jours dans leurs locaux pour échanger sur les facteurs clés de succès. La maison « LiebensortVielfalt » a ouvert en 2013.

. 60% sont des hommes gays de plus de 55 ans, 20% ont moins de 55 ans (LGBTI ou hétéro), 20% sont des femmes (hétéro ou lesbiennes)
. 24 logements en location
. 8 chambres en collocation pour personnes dépendantes (équivalent à une petite unité de vie en EHPAD)
. Plus de 400 personnes sont inscrites sur leur liste d’attente.
. Deux nouveaux établissements vont ouvrir en 2018 et 2020.

Recherchez-vous des partenariats dans le monde de la Silver économie ? Si oui, quels types de partenariats avez-vous besoin pour vous aider à développer ?

A ce jour, je recherche :

. des partenaires dans l’immobilier
. des investisseurs financiers
. des collectivités territoriales
. des associés pour venir travailler à mes côtés (webmarketing, communication et assistant maitrise d’ouvrage en immobilier)

Je vais commencer par ailleurs à étudier toutes les opportunités foncières existantes qui puissent correspondre aux attentes de ce public : Paris, Lyon, Bordeaux, Nice, Montpellier.

Nous déclinerons ensuite un label ou une franchise de la maison de la diversité Rainbold Society pour les maisons suivantes….

Contact : contact@rainbold.fr

 

 


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