Nicolas Reydel : Silver économie, un bon filon mal exploité?

Considérer tous les plus de 50 ans uniformément est évidemment une erreur, mais que font de nombreux spécialistes du marketing. Le marché est plus complexe. Par Nicolas Reydel, fondateur et dirigeant de Denovo

De nombreuses entreprises françaises ont acquis au fur et à mesure des
années des savoir-faire formidables qu’elles mettent au service de produits
et services destinés au plus grand nombre. Ce marché de masse, qui a tiré
notre économie sur plusieurs décennies et permis à de nombreuses entreprises
de se développer, est aussi un marché très concurrencé, voire saturé.
Les récentes évolutions de la consommation associées à une mondialisation de
la production ont conduit de nombreux acteurs à entamer une véritable guerre
commerciale, avec une perspective de succès très aléatoire. Les économistes
W. Chan Kim et R.Mauborgne parlent alors d’un océan rouge, conséquences de
secteurs matures, où l’innovation n’apporte plus de différence notoire et le
prix devient le seul argument d’achat. Difficile de maintenir une entreprise
dans cet environnement agressif à moins de … plonger dans l’océan argenté
!

La Silver Economie : un marché de niche dynamique mais très complexe

La Silver Economie est en plein essor ! En progression annuelle de 4 %, elle
vise à équiper 17 millions de consommateurs parmi les plus de 60 ans à
l’horizon 2020 (silvereco.fr)., et ce n’est que le début. Sans parler de
l’export…
Une niche? Oui, pour l’instant encore, car peu d’acteurs se sont impliqués
dans ce secteur, qui tente de répondre aux énormes défis de notre population
vieillissante. Celle-ci est en outre très hétérogène, avec des besoins et
des moyens très divers. Un jeune senior actif de 69 ans n’a rien de commun
avec une personne très âgée et dépendante de 92 ans. Pourtant leur
insatisfaction envers les produits et services destinés aux actifs les
réunit.
De nombreuses opportunités commerciales pour les entreprises françaises sont
en perspective à condition d’aborder ce marché avec beaucoup de discernement
et d’humilité.

De 50 à 99 ans : tous identiques ?
Il est curieux de constater que la tranche d’âge de 0 à 50 ans comporte des
segmentations bien étudiées, mais passé la cinquantaine, on ne retrouve que
le terme « senior » alors que cette tranche d’âge dépasse même la première
en nombre d’années… et en diversité ! Il n’y a qu’à essayer de vendre un
déambulateur à un jeune cinquantenaire pour s’en persuader. Contrairement à
la tendance actuelle, il n’est pas envisageable de créer des produits «
senior » de même qu’il n’y a pas de produits qui couvrent les 50 premières
années de la vie.
Des études sociologiques ont été menées afin de caractériser des groupes
d’utilisateurs et d’en définir les spécificités dans les grandes lignes.
Car, suivant l’âge et le degré d’autonomie des personnes âgées, leurs
besoins ainsi que les canaux de distribution associés peuvent être
radicalement différents. Bien analyser la cible et identifier leurs
habitudes d’achat, voire celles de leurs enfants quand un accompagnement
devient nécessaire, représente le premier pas vers une cartographie claire
des besoins d’une population avide de produits et de services innovants. Le
tout associé à un ensemble de canaux de distribution pertinents, dont
certains sont tout juste en train d’éclore (grande distribution, commerce de
proximité, service à domicile…).

Transposer les savoir-faire existants vers les besoins identifiés des
seniors : c’est possible !

Prenons pour exemple un fabricant de poêles à frire. On pourrait penser que
créer une poêle avec un manche adapté suffirait à capter le marché senior,
mais la cible cuisine-t-elle encore elle-même ? Des ustensiles pour le
micro-onde pourraient-être plus adaptés.
De nombreux savoir-faire sont transposables vers les différentes cibles
seniors qui manquent de tout. Il faut simplement bien analyser leurs modes
de vie, bien comprendre leurs attentes et leur proposer de tester. C’est
ainsi que l’on peut devenir un fournisseur de solutions concrètes. Un
tabouret de douche n’est finalement pas très éloigné des tabourets fabriqués
pour du mobilier de jardin…

Les seniors ne veulent pas acheter des produits pour vieux !

Afin de toucher les cibles seniors, une vérité reste à connaître : une
personne âgée ne consomme pas des produits pour personnes âgées ! Dans notre
société qui prône le jeunisme, nous avons développé un décalage entre notre
âge physiologique et notre âge perçu. Celui-ci peut-être jusqu’à 20 ans plus
jeune que notre âge calculé à partir de notre état civil ! En d’autre
termes, une personne de 70 ans se sent en plein dans la cinquantaine tout en
ayant des besoins liés à son âge réel ! Il va donc falloir concevoir des
produits et services qui correspondent à une cible plus jeune, tout en
offrant les fonctionnalités liées à l’âge réel. Pour mener cet exercice
d’équilibriste, le design sera l’outil idéal qui permettra de positionner le
curseur entre fonctionnalité et style afin de déstigmatiser l’offre et lui
donner toutes ses chances de succès. Un designer averti saura ainsi
concevoir les produits ou services suivant une sémantique universelle, tout
en intéressant ceux qui en éprouvent le besoin. C’est l’art d’en parler sans
en avoir l’air…

Le marché des seniors a besoin de tout y compris de l’attention complète des
dirigeants d’entreprises afin de prendre le marché du bon côté et de bien
comprendre le client final. L’expérimentation par de nombreux tests sur le
terrain sera le meilleur guide menant à une offre adaptée. Les entreprises
candidates seront alors prêtes à passer d’un marché ultra concurrentiel à un
marché en pleine croissance, où chaque petit pas d’innovation est un grand
pas pour l’Homme âgé.

Nicolas Reydel, fondateur et dirigeant de Denovo

 

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