Silver Economie : opportunité de croissance pour la France

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Dans les sociétés développées, le vieillissement de la population, d’abord explicable par l’allongement de l’espérance de vie, se trouve accéléré par l’avancée en âge des cohortes de baby-boomers. Cette évolution démographique pose d’immenses défis en termes de financement de nos systèmes de santé et de retraites.

À l’initiative de la ministre des Personnes âgées et de l’Autonomie, ce rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective entend quant à lui s’interroger sur la valeur économique que peut apporter le vieillissement. Dans quelle mesure le marché en pleine expansion des seniors peut-il être source de croissance pour l’économie française ? Comment les pouvoirs publics peuvent-ils encourager la réalisation de ce potentiel de croissance ? Peut-on envisager le développement d’une « Silver Économie »1 servant de levier à des secteurs comme les services ou les technologies avancées (domotique, robotique, e-autonomie2 , dispositif médical, etc.) ? Ce double phénomène du vieillissement est très accentué en France. Premièrement, on constate un accroissement marqué du « ratio de dépendance économique », soit le nombre de personnes de plus de 65 ans rapporté au nombre de personnes en âge de travailler : sous l’impact de l’arrivée des baby-boomers à la retraite, ce ratio devrait passer de 28 % en 2013 à 46 % en 2050.

Deuxièmement, l’espérance de vie continue de s’accroître régulièrement : elle devrait passer de 81 ans aujourd’hui à 86 ans en 2050. Il en résulte plusieurs effets économiques, qu’il faut savoir encourager ou corriger de façon à produire un effet positif. D’abord, ce mouvement démographique doit créer une demande de produits et services dédiés aux personnes âgées suffisamment large pour donner à une offre émergente la taille critique de rentabilité.
Ensuite, la hausse probable du taux d’épargne doit être canalisée pour que cette épargne favorise l’investissement productif. Cette hausse du taux d’épargne est attendue même dans les modèles théoriques supposant un comportement de désépargne des retraités du fait d’une anticipation par les plus jeunes de leurs besoins accrus de ressources en fin de vie. La probabilité d’une hausse du taux d’épargne est renforcée par un comportement des personnes âgées différent de cette hypothèse théorique dite du « cycle de vie », puisqu’on constate empiriquement un taux d’épargne qui tend à s’accroître avec l’âge.

Par ailleurs, le vieillissement des actifs peut avoir un impact positif sur la productivité du travail. Un des arguments est l’investissement accru en éducation des jeunes générations en réponse à l’allongement de la période d’inactivité en fin de vie. Enfin, pour revenir à la dimension industrielle, l’essor de ces marchés de biens et services, par leurs connexités avec certaines technologies clés ou filières industrielles, doit apporter un effet de levier à l’ensemble de notre politique industrielle. Ce surcroît de croissance que pourrait engendrer le vieillissement, c’est la Silver Économie. L’économique sous contrainte du social L’évolution démographique fait apparaitre un véritable marché pour la plupart des entreprises. Le revenu disponible des plus de 60 ans représentait en 2010 environ 4241 milliards d’euros. Toutes choses égales d’ailleurs, les simples projections par âge de la population française laissent attendre une hausse de 150 % de la taille de ce marché via l’augmentation du nombre de seniors d’ici 2050.
Pourtant, à ce jour, le marché de la Silver Économie peine à émerger.

Plusieurs éléments peuvent être avancés pour expliquer ce faible développement. Le plus fondamental est sans doute lié à la dimension sociale de la question du vieillissement. Vieillir, être dépendant, sont, dans nos cultures, négativement connotés et d’une certaine manière « refoulés ». Le vieillissement démographique pourtant prévu depuis longtemps, a pris par surprise toute une génération, ainsi que la suivante. Face à une évolution aussi majeure des besoins et des conditions de vie, la plupart des personnes se sont retrouvées démunies : préparation insuffisante à la retraite, organisation médicosociale insuffisante… Face aux difficultés posées aujourd’hui par un grand nombre de situations individuelles, la réponse « naturelle » de la société est l’assistance. S’il faut se féliciter d’appartenir à une société ayant de tels réflexes, il convient d’en analyser les conséquences sur le plan économique. Il s’est agi de modifier des pratiques et de développer un ensemble d’incitations, notamment en matière de services à la personne ou d’équipement des domiciles. Le maître mot est devenu la solvabilisation de la demande.

L’économie sociale et solidaire, les associations, se sont naturellement investies sur le thème de la dépendance et du vieillissement et ont perturbé plus encore le « signal prix » envoyé aux personnes âgées. Or, si la préférence collective en faveur du « bien vieillir » peut justifier une distorsion vers le bas du prix des biens et services en faveur des personnes âgées2 , la contrainte financière existe également et aurait tendance à limiter une telle distorsion. Surtout, le secteur privé ne s’investit pas pleinement dans un tel contexte, où son rôle aux côtés de l’intervention publique ou des associations n’est pas clairement établi, et où il a intérêt à attendre l’émergence d’une demande subventionnée. Ce rapport insiste sur le fait que tous les acteurs ont intérêt à une meilleure différenciation de la demande. Il existe en effet une part importante de la population des personnes âgées qui n’a pas besoin d’être subventionnée et qui reste en attente d’un marché, sans savoir ce qui relève précisément de ce qui doit être à sa charge et ce qui pourrait être apporté par une assistance à tous.

Une typologie de la demande Ce rapport propose une typologie décomposant la population des seniors selon deux axes : l’état de santé et le niveau de revenus. Cela permet de distinguer trois grandes catégories de consommateurs, les seniors en bonne santé, les seniors fragiles et les seniors dépendants, tout en prenant en considération les revenus dont ils disposent. Sont pris ainsi en compte les extrêmes en termes de revenus, de chaque côté d’un « mass market » : les seniors sous le seuil de pauvreté, d’une part ; les 10 % les plus riches, d’autre part. Chacun des neuf profils types de consommateurs définis représente un marché de taille importante.Les plus pauvres ne sont pas négligeables en nombre. Quant aux 10 % les plus riches, ils représentent un marché en euros qui va bien au-delà de leur nombre et qui peut justifier à lui seul des stratégies de développement de l’offre.

Plutôt que d’établir les fondements de la Silver Économie dans le champ du médicosocial, très complexe, le rapport préconise de déployer une offre « en cascade » dans le champ concurrentiel, qui ciblerait dans un premier temps la clientèle la plus solvable, installant ainsi une organisation et une infrastructure sur lesquelles le médicosocial pourrait aisément se greffer au fur et à mesure. Il serait ainsi possible de faire émerger une demande pour certains marchés de la Silver Économie sans nécessairement la subventionner de manière trop importante. En parallèle, les plus vulnérables financièrement doivent être aidés, non seulement pour solvabiliser une demande qui justifierait des investissements importants du côté de l’offre, mais surtout pour lutter contre l’accroissement des inégalités, en particulier face à la dépendance.

 

 


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