Silver Economie : un marché de 92 milliards

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Le marché global de la Silver Economie représente 92 milliards d’euros en 2013 en France et dépassera les 130 milliards en 2020 (1). De l’avis de tous les experts en économie, le vieillissement démographique en Europe va rapidement impacter l’ensemble des secteurs de l’économie :santé, finance, éducation, bien-être, tourisme, technologies, alimentation… Avec l’allongement de l’espérance de vie, la hausse des dépenses de santé et de retraite, la baisse de consommation structurelle des plus âgés dans certains secteurs, etc., le vieillissement est souvent décrit comme un « tsunami » avec des menaces réelles sur les finances des pays développés comme la France. Par exemple, l’impact du vieillissement sur la dépense de santé devrait être compris entre ½ et 2 ½ points de PIB d’ici 2025 avec des scénarios très variables.

Par Frédéric SERRIERE

Les agences de notation tirent également la sonnette d’alarme face à la menace d’une crise budgétaire renforcée. Ainsi l’agence FitchR ating prévient qu’elle compte abaisser dans la prochaine décennie la note des pays concernés parle vieillissement démographique.Les premiers visés sont le Japon, l’Irlande et Chypre. Mais le vieillissement démographique constitue, également, une opportunité de croissance. Faut-il encore savoir la reconnaître et la saisir. La France et ses entreprises peuvent trouver un gisement de croissance majeure. Comment profiter de la Silver Economy ? Le principale écueil est de vouloir céder à la facilité des secteurs de services à faible valeur ajoutée comme c’est le cas d’une partie des services à domicile.Compte tenu des faibles barrières à l’entrée sur ce marché et du potentiel de croissance, la concurrence y est forte générant des marges très réduites des entreprises de ces secteurs. Les salariés bénéficient alors de salaires souvent faibles peu attrayants générant un faible pouvoir d’achat pour l’économie du pays.

Il faut retenir la leçon de l’Allemagne dans l’économie traditionnelle. Pour qu’un pays puisse bénéficier d’un effet vertueux du vieillissement de sa population les entreprises doivent se positionner sur des produits à forte valeur ajoutée faiblement élastiques au prix générant de confortable marge pour ses entreprises. En retour, ces dernières peuvent investir contribuant positivement à la croissance du pays. Avec le vieillissement démographique, des secteurs en hausse et d’autres en baisse. La Silver Economy crée des opportunités de croissance pourles entreprises dans certains secteurs : santé, maintien à domicile, habitat, équipement de la maison, les produits à fort contenu technologique.D’autres sont en baisse de manière structurelle avec le vieillissement démographique : automobile, habillement, commerces en dehors des villes. Plusieurs facteurs expliquent ces changements économiques importants. Citons les trois principaux : les facteurs générationnels, l’âge et la maturité. Un effet d’âge : en vieillissant, la population devient progressivement moins mobile et plus sédentaire. Ainsi, par exemple, les temps passés au domicile augmentent entraînant à la hausse les secteurs liés à la consommation et à l’aménagement du domicile : équipements, consommation électrique, confort.

Un effet de maturité :la population devient plus mature, plus équipée et plus réfléchie : elle consomme moins par rapport à une mode et plus par rapport à des besoins et envies spécifiques: par exemple, une personne de 65 ans, va s’équiper d’un véhicule souvent plus haut de gamme avec plus d’options mais va avoir tendance à le conserver plus longtemps. Au Japon, le pays le plus « vieux » de Monde, voyait, déjà,son marché automobile, ainsi, baissé de 3% par an avant la crise économique. Dans ces secteurs, les cycles de renouvellement augmentent et ont tendance à faire se contracter certains secteurs. Entre 2008 et 2010, les achats impulsifs des Boomers, aux USA ont baissé de 41%. Un effet de génération : le troisième facteur explique qu’une génération peut avoir tendance à sur-consommer un produit par rapport à un autre. C’est ainsi le cas des consoles de jeux qui sont majoritairement utilisées par les jeunes. Dans la Silver Economy, le même phénomène est noté : les nouveaux Seniors (appelés aussi les Boomers, génération née après la seconde guerre mondiale)sont plus en phase avec la société de consommation que leurs aînés et sur-consomment certains secteurs produits et services : bien-être, produits sur-mesure et à la carte, domotique de la maison, l’électronique et l’informatique.

Les facteurs clefs de succès pour réussir sur le marché des seniors En terme de stratégie, pour qu’une entreprise puisse profiter du vieillissement démographique, une étude actuellement menée par Frédéric Serrière Consulting identifie 6 facteurs clefs de succès

1- Se développer sur des marchés répondant à des besoins tangibles et de nécessité. La crise économique, la baisse perçue du pouvoir d’achat et l’avenir incertain (prévision d’une croissance potentielle du PIB des 27 pays européens de 1 % jusqu’en 2020), réorganisent lourdement et rapidement les consommations des européens.Les priorités des achats sont re-définies et les hiérarchies dans les besoins évoluent. Ainsi, certains achats sont réduits (automobile, immobilier…), voir quasi-supprimés(achats impulsifs chez 46% des Boomers) alors que d’autres résistent (santé, bien-être, maintien à domicile…).Ces derniers, qui progressent, ou restent stables sont basés sur des besoins de nécessité et de tangibilité.

2-Quantifier son marché de manière objective. Il n’existe pas un marché de la Silver Economy mais plusieurs marchés sur un même secteur en raison de la très forte hétérogénéité des situations, des générations, des attentes, etc. Une des principales erreurs est de quantifier son marché avec les seuls critères démographiques,facteurs d’âge ou de générations. Au contraire, il est nécessaire de déterminer les facteurs explicatifs d’achat d’un produit et d’un service, pour mesurer, de manière plus précise, les tailles réelles des marchés. Le secteur des aides auditives connaît bien ce phénomène par exemple: moins de 20% des personnes qui devraient être équipées ne le sont pas dans la réalité. Ainsi, pour plusieurs marchés,les potentiels ne se chiffrent pas en millions,mais en centaines de milliers d’unités, ce qui représente tout de même de belles perspectives de croissance.

3-Etudier une solution pérenne de financement. Plusieurs acteurs ont basé leur business model sur une hypothétique prise en charge par des organismes tierces (mutuelles, CRAM, conseils généraux…). Or les budgets de nombreux de ces acteurs, vont être de plus en plus contraints dans les prochaines années sous les pressions de la crise économique. Il est presque certain que les familles(et les usagers) devront assumer les coûts d’utilisation de ces « Silver produits et services », sauf à prouver les gains économiques pour ses organismes et pour la Société. Par exemple, certaines solutions permettent de réduire les chutes des personnes âgées. Et, des acteurs comme les mutuelles, des caisses de prévoyance pourraient réduire leurs coûts en limitant ainsi le nombre de personnes dépendantes suite à des chutes évitées. (En 2011, il y a eu plus 450 000 chutes chez les plus de 65 ans,soit un « coût direct médical » estimé à plus de 1 milliard).

4- Se développer dans les pays « Silverphiles ». Tous les pays développés, notamment en Europe, ne présentent pas les mêmes taux et même rapidité du vieillissement de leur population. Ces différences peuvent s’expliquer par des variations en termes de démographie, de taux du vieillissement, des liens culturels entre les générations, de systèmes de retraite, des taux d’épargne… Nous parlons, ainsi, de pays à fort « Silver Potentiel ».En Europe, l’étude «Silver Economy in Europe », publiée en 2012, liste la Grande Bretagne, Suède, Allemagne, France et Espagne comme les paysles plus prometteurs. La France est présentée comme un pays à potentielimportant en raison de son taux de vieillissement, du taux d’épargne des 60 ans et plus, de son avance en termes d’innovations et de recherches. En Asie, le rapport « Asia Pacific Silver Economy Business Opportunities » liste : Japon, Chine,Australie et Singapour.

5- Se développer sur des marchés à forte valeur ajoutée. La crise économique et la globalisation de l’économie, nous montrent tous les jours que les entreprises européennes vendant des produits à forte valeur ajoutée se portent mieux. Les autres sont souvent en concurrence direct avec des acteurs des pays en voie de développement ayant des coûts salariaux, sociaux et environnementaux plus faibles.C’est d’autant plus vrai, dans le secteur de la Silver Economie, que les pays asiatiques en comme la Chine sont des pays très rapidement vieillissants et pour qui la prise en compte du vieillissement de leur population est primordiale sur les plans économiques,sociales et politiques.Ainsi, plusieurs programmes de développement de la Silver Economy sont mis en place en Australie,Japon, Corée du Sud, Taiwan, Chine et Singapour.

6- Associer l’ensemble des acteurs importants. La réussite d’une stratégie dans le champ de la Silver Economy implique souvent d’y associer, le plus tôt possible, l’ensemble des acteurs importants notamment ceux ayant des pouvoirs pouvant impacter les résultats d’une stratégie.Ces acteurs peuvent être internes à l’entreprise : par exemple certains grands groupes industriels rencontrent des divergences entre leurs différents départements : le développement et le marketing étant favorables aux projets à destination des Seniors alors que la finance et le « commercial » peuventfreinerles projets, carjugés pas assez rentables ou difficiles à commercialiser. Nous notons cette situation dans plusieurs groupesinternationaux de technologies. Les acteurssont aussi externes à l’entreprise. De nombreux produits et services demandent un changement organisationnel de l’ensemble d’un secteur. Par exemple, le développement de nouveaux outils de téléassistance, implique la volonté de plusieurs acteurs: lesté- léassisteurs, les mairies, conseils généraux, les assistantessociales…Certains acteurs peuvent avoir des positions dominantesfortes et freiner ou bloquer des projets.Dansle secteur de la télémédecine, par exemple, des acteurs importants interviennent : le secteur de la santé dont les médecins, le législatif, les acteurstechnologies, les distributeurs. Certains acteurs n’ont pas les mêmes intérêts.

Les entreprises françaises La France a des atouts importants pour devenir un acteur majeur de la SilverEconomy : vieillissement de sa population, tissu de recherches et de développement, acteurs privés commençant à s’intéresser à ces sujets. Cependant, des blocages demeurent: une rationalisation du secteur, une aide aux financements des entreprises sur ce secteur pour acquérir les tailles critiques nécessaires, une meilleure structuration des réseaux d’aides, des politiques publiques de soutien à des secteurs précis qui serviront d’entraînement aux autres. La France peut prendre exemples sur certains pays : Japon, Singapour, Corée du Sud.

Etude 2014 – Frédéric Serrière – (Produits et services conçus pour les 60 ans et plus et consommés par les 60 ans et plus en excluant les coûts de santé des 6 derniers mois de vie).


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