GrandLyon Habitat, organisme public à caractère industriel et commercial, s’inscrit dans la longue histoire du logement social, depuis sa création en 1920 par Edouard Herriot, maire de Lyon.
Aujourd’hui, l’organisme est le premier bailleur social sur Lyon intra-muros et gère plus de 27 000 logements. Interview de Séverine MOLINA-CRUZ, chargée de développement à la direction de la prévention et de la vie sociale (Handicap, Vieillissement et Précarité).
Pouvez-vous présenter Grand Lyon Habitat ?
Grand Lyon Habitat est un des offices de la métropole de Lyon avec 27 000 logements dont 80 % sont situés sur la ville de Lyon. Le reste étant situé sur la première couronne.
Nous avons plus d’un tiers de nos locataires qui sont âgés de plus de 60 ans. De plus, environ un quart de nos locataires qui ont plus de 75 ans.
Ainsi, la question du vieillissement est très importante pour nous.
Les chiffres que je vous donne sont bien sûr les titulaires de baux. Il y a, en plus, des jeunes qui peuvent héberger des personnes âgées de leur famille, par exemple. Nous savons que ce genre de configurations existe puisque nous avons régulièrement des demandes dont le titulaire est assez jeune, pour adapter le logement à une personne plus âgée, vivant dans le même appartement.
Ces chiffres sont une tendance de l’ensemble du parc social en France.
Nous avons également des cas de personnes, qui une fois à la retraite, ont des pensions qui sont assez faibles et reviennent ou viennent pour la première fois dans le logement social.
Cette tendance (avoir des demandeurs âgés pour des logements dans nos résidences) est une tendance que nous notons depuis plusieurs années.
D’après vous, est ce possible pour un bailleur social de réserver un logement pour les personnes âgées ?
Nous sommes beaucoup posés de questions à partir du moment où nous avons commencé la réalisation des adaptations dans nos logements. Effectivement, nous nous sommes dit qu’il était vraiment dommage de réaliser des adaptations pour les personnes âgées et qu’ils ne soient pas pérennes puisque ces logements pourraient être ensuite proposés, à nouveau, à des plus jeunes.
Depuis la loi ASV (1), nous avons la possibilité de flécher ces logements en direction des personnes âgées. Lorsque nous avons la main sur la re-location d’un appartement, il est très facile, maintenant, de pouvoir flécher ce logement vers une personne âgée. Avec les réservataires, cela peut paraître un peu plus compliqué. Chez nous, les réservataires sont la ville de Lyon, la Métropole, l’État et le « 1% logement (2) ».
Lorsque nous avons des logements avec des réservataires comme la ville et la Métropole, il n’y a aucune difficulté puisqu’ils ont engagé avec nous cette réflexion sur le vieillissement. Ainsi, il est possible, dans ces cas de flécher également les logements adaptés, vers les personnes âgées.
Du côté du 1 % logement, il s’agit, bien sûr des salariés et non pas de retraité. Dans ce cas, nous menons des négociations avec ces réservataire de façon à pouvoir, quand même, continuer notre politique d’adaptation des logements et de fléchage des logements pour les personnes âgées.
Enfin, lorsque nous construisions des logements neufs, avec des logements qui sont adaptés, nous les fléchons vers les personnes âgées, mais également pour les personnes handicapées.
D’une manière générale, comment menez-vous votre réflexion sur le vieillissement ?
Pour aborder la question du vieillissement, nous nous sommes structurés en interne avec le développement de procédures et un Plan Stratégique de Patrimoine comportant un volet personnes âgées / personnes handicapées. Cela permet de répondre aux demandes et de proposer différentes solutions en fonction des cas particuliers des locataires.
Il nous arrive, alors, de réaliser des travaux dans la salle de bain pour favoriser le maintien à domicile pour des personnes âgées étant dans l’incapacité de déménager .
Adaptez-vous les grands appartements en étage pour les personnes âgées ?
Dans l’exemple que vous donnez pour un T4 sans ascenseur, à l’étage, la conseillère va travailler sur une autre solution que de vouloir adapter, à tout prix, le logement. Ceci en fonction de la personne qui peut potentiellement être aussi relogée, dans le même quartier et dans un logement plus adapté. Ce sont souvent des personnes qui sont depuis très longtemps dans nos résidences et qui veulent rester dans le même quartier.
Dans certains cas, le logement est adaptable, mais la résidence, dans sa globalité, n’est pas forcément très accessible. Il nous arrive, alors, de réaliser les travaux pour améliorer l’accessibilité à cette résidence. C’est, bien sûr, dans les situations où la personne âgée est dans l’incapacité de déménager.
Dans d’autres cas, nous réalisons seulement de petites adaptations avec aides techniques qui vont permettre de maintenir la personne âgée dans son logement, sans nécessité, la réalisation de gros travaux.
Ainsi, nous avons tout un panel de solutions possibles à proposer, en fonction de la personne, de son logement et de l’environnement.
Quelles sont les adaptations les plus souvent réalisées ?
Il s’agit de la salle de bain, des toilettes, de la motorisation des volets, l’installation de barre d’appui, etc.
Nous adaptons entre 100 et 150 logements par an, aussi bien, pour les personnes âgées, que pour les personnes handicapées.
Il s’agit ici de l’adaptation de logements de notre parc existant.
Ensuite, dans le cas de nos constructions neuves, nous construisons entre 10 et 20% de logements adaptés.
Cela nous permet, ainsi, de proposer différentes solutions et d’avoir une offre adaptée. Les personnes âgées, habitantes dans nos résidences depuis dans longtemps et dont il n’est pas possible d’adapter les logements, se voient proposer un déménagement dans ces logements adaptés des résidences nouvelles.
Est-ce que vous proposez des services comme la télé assistance ?
Pas directement. Par contre, lorsque nos travailleurs sociaux vont à domicile faire un bilan avec la personne âgée et qu’ils découvrent que la personne âgée est en perte d’autonomie et n’a pas ouvert de droit à l’APA(3) par exemple, ou mise en place les services à la personne, dans ces cas-là nous les aiguillons.
Donc, ce n’est pas nous qui organisons l’ensemble de ces services, mais nous aiguillons les personnes âgées vers les services compétents.
De même, lorsque nos conseillères sociales constatent l’isolement de la personne, elle peuvent les orienter vers les associations locales ou les convier à des événements que nous organisons sur les territoires pour favoriser le « bien vieillir à domicile » et lutter contre l’isolement.
Concernant le financement, comme cela se passe-t-il ? Les montants des adaptations sont-ils déductibles de votre taxe foncière ?
Cela peut fonctionner différemment en fonction des territoires et en fonction des centres des impôts. Il existe la taxe foncière sur les propriétés bâties qui peut se voir déduite par des abattements d’impôts correspondants à des coûts d’adaptation des logements pour les personnes âgées. Sur Lyon et l’agglomération lyonnaise, cela représente environ 2/3 des montants que nous pouvons engager en terme de financement. A noter, également que ce système est possible pour des constructions qui datent de plus de 10 à 15 ans.
Ensuite, en local, nous avons des partenariats forts comme celui avec la Carsat qui nous permet de co-financer une partie des adaptations pour les locataires qui sont éligibles à la Convention. Nous faisons également participer, dans certains cas, les locataires de manière symbolique.
Donc la déduction d’impôt de la taxe foncière dépend des territoires. Dans certains territoires elle est de 100 %. Autrement dit, dans ce cas, 100 % du coup d’adaptation des logements peut être dégrevé de la taxe foncière.
Certains bailleurs sociaux parlent de constructions ou d’aménagements réversibles notamment pour les grands logements, qu’en pensez-vous ?
Effectivement, c’est une pratique que nous avons de temps en temps avec des logements de grandes dimensions pour les cas des personnes âgées qui ne peuvent pas déménager.
Pour ces cas, trois solutions s’offrent à nous : nous pouvons réaliser de petits aménagements pour faciliter la toilette par exemple en conservant la baignoire, ou bien nous pouvons réaliser un deuxième point d’eau pour y installer une douche en plus de la baignoire existante ou encore, aménager une douche mais avec un travail de plomberie et de faïence prévoyant une repose facile et à moindre coût d’une baignoire au moment où un nouveau ménage arrive dans le logement.
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1 : La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a pour objectif d’anticiper les conséquences du vieillissement de la population et d’inscrire cette période de vie dans un parcours répondant le plus possible aux attentes des personnes en matière de logement, de transports, de vie sociale et citoyenne, d’accompagnement.
2 : Dans le cadre de la participation à la construction et au financement des logements sociaux et intermédiaires, Action Logement propose en contrepartie aux entreprises clientes des logements locatifs pour leurs salariés. Le salarié à la recherche d’un logement doit se rapprocher de son employeur pour faire valider sa demande de logement social. Ces logements sont soumis à des critères d’attribution prédéfinis (plafonds de ressources).
3 : L’allocation personnalisée d’autonomie (Apa) sert à payer (en totalité ou en partie) les dépenses nécessaires pour vous permettre de rester à votre domicile. Elle est versée par les services du département.