Les seniors sont-ils vraiment des touristes différents des autres?

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Avec raison, l’industrie touristique
suit de près l’évolution du marché des «baby-boomers». Or, cette population
vieillit et se classe progressivement dans la famille des «seniors», lesquels
présentent un intérêt indéniable; mais encore faut-il savoir les courtiser.
Pour cela, on doit d’abord se demander si les clients plus âgés adoptent
un comportement particulier. Or, on se rend vite compte qu’ils ne forment
pas un bloc monolithique et que certains segments s’avèrent plus intéressants
à cibler que d’autres.

Pourquoi
s’intéresser au marché des seniors?

La
démographie constitue l’une des rares variables pour lesquelles on peut
tracer des perspectives assez fiables. Voici quelques données à considérer
à propos du marché des seniors (+ de 50 ans):

  • à toutes
    les 8,4 secondes, aux États-Unis, un baby-boomer devient un senior; 

  • une
    personne née en 1950 vivra 20 ans de plus que celle née en 1900;

  • en
    2025, 63 millions d’Américains auront plus de 65 ans;

  • la
    Floride abrite la plus forte concentration de gens de plus de 65 ans
    et cela se poursuivra jusqu’en 2025;

  • en
    France, plus de 16 millions de personnes, soit 30% de la population,
    seront âgées de plus de 60 ans en 2025;  

  • compte
    tenu de l’évolution démographique actuelle, on recensera bientôt davantage
    de grands-parents que de jeunes; 

  • en
    moyenne, les seniors dépensent plus que tout autre segment
    de population pour plusieurs produits de consommation, dont les voyages; 

  • en
    2001, déjà plus de la moitié des Américains âgés de 50 à 64 ans étaient
    «branchés» sur Internet.

William
S. Reece, de la West Virginia University, a étudié la clientèle des
seniors en évaluant individuellement certaines variables sociodémographiques
susceptibles de produire une influence, négative ou positive, sur la propension
à voyager (graphique 1). Il a réalisé l’exercice pour un échantillon de
touristes seniors américains dont la moyenne d’âge équivalait
à 69 ans et un autre groupe dont l’âge moyen se situait à 40
ans.

Ce
que l’on doit comprendre, c’est que des variables exercent, à des degrés
différents, une influence sur la propension à voyager des personnes
âgées. L’étude démontre que pour certaines catégories d’individus répondant
à une variable déterminée, la disposition à voyager peut différer.
Ainsi, les personnes de 40 ans possédant un revenu de ménage de
75 000 à 100 000$ sont plus susceptibles d’effectuer un voyage que
les seniors de la même classe de revenus.

L’échelle
du graphique permet de graduer la force d’influence de chacun des facteurs.
La zone orangée (+ de 1,96) représente le seuil à partir duquel les variables
revêtent une différence significative. On remarque que seulement deux
critères franchissent cette zone: la distance de la destination par rapport
au lieu de résidence, de même que le fait de vivre dans une maison. Ainsi, en fonction de ces variables,
les personnes âgées affichent une propension à voyager réellement supérieure
à celle des individus de 40 ans. Ceci peut s’expliquer par le fait
que les consommateurs plus âgés sont habituellement libérés de la plupart
de leurs obligations financières. À preuve: environ 80% des Américains
de plus de 65 ans possèdent une maison et, pour 80% d’entre eux,
la propriété
est libre de toute dette. Quant aux autres critères,
les écarts observés ne s’avèrent pas suffisamment importants pour être
jugés significatifs.

L’auteur
de l’étude rejette l’idée que le comportement touristique des seniors
s’apparente à celui des autres voyageurs. Toutefois, les différences demeurent
beaucoup moins considérables que celles qu’on pouvait attendre. Les résultats
démontrent néanmoins que les personnes âgées voyagent plus loin que la
moyenne.

Ce
que les jeunes seniors ne sont pas

L’âge des
baby-boomers varie de 40 à 60 ans. Parmi eux, ceux qui franchissent
le cap de la cinquantaine sont qualifiés de jeunes seniors.
Même s’ils affichent une propension à voyager somme toute comparable à
celle des autres, les raisons pour le faire s’avèrent, elles, bien différentes.
Selon Lalia Rach, du Tisch Center for Hospitality, il faut bien connaître
les nouvelles réalités propres aux personnes âgées pour comprendre leur
influence sur l’industrie touristique.

La
nouvelle génération de personnes de plus de 50 ans est née dans les années
1950 et a connu la révolution des années 1960, où les valeurs sociales
ont beaucoup évolué. Résultat: ce segment de consommateurs ne se conforme
pas au stéréotype de la personne âgée qui demeure chez soi.

Néanmoins,
certains mythes erronés à propos des seniors persistent:

  • ils
    sont «cimentés» à une marque;

  • ils
    ne sont pas à l’aise avec la technologie;

  • ils
    privilégient une certaine structure (ex.: voyager en groupes organisés);

  • ils
    recherchent des activités dédiées aux personnes âgées;

  • ils
    prennent leur retraite à 65 ans;

  • ils
    adoptent un train de vie ralenti.

Ce
qu’est le jeune senior

Toutes
les vieilles prémisses ne tiennent plus. Le senior de 50 ans
se définit davantage comme:

  • hautement
    éduqué;

  • autonome
    dans tous les aspects de la vie;

  • vivant
    une forme de revitalisation personnelle;

  • possédant
    un rythme de vie effréné;

  • vivant sans
    compromis;

  • adorant
    réaliser des choix;

  • possédant
    une soif de connaissances.

Quelles
stratégies?

Les
touristes de plus de 50 ans sont maintenant plus aventureux que jamais.
Selon une étude de la société NOP World menée auprès des Britanniques,
les seniors évitent les vacances traditionnelles sur la plage
et optent pour des destinations éloignées. Environ 65% voudraient par
exemple participer à un safari. L’enquête révèle également que deux tiers
des gens de plus de 50 ans estiment jouir pleinement de leur vie. Les
produits touristiques et les stratégies marketing doivent tenir compte
de cette réalité.

C’est
ce que certaines industries ont réalisé en proposant des équipements novateurs,
afin de permettre aux personnes âgées de pratiquer leur sport plus longtemps.
Les skieurs peuvent ainsi compter sur une botte «molle» (photo) beaucoup
plus confortable, et les golfeurs sur des bâtons de type «Big Bertha»
(photo) leur permettant de frapper droit et loin sans trop d’efforts.

  

Les
messages publicitaires ne s’adaptent pas toujours au portrait sociodémographique
des baby-boomers vieillissants (ex.: plus de 31% d’entre eux
ne sont pas mariés). Les destinations ne doivent pas craindre d’inclure
des personnes âgées rayonnantes dans leurs publicités. Les seniors
se sentent jeunes et veulent se reconnaître avant de consommer un produit.
Quelque 63% des baby-boomers affirment se sentir plus jeunes
que leur âge réel.

Pour
obtenir du succès avec cette clientèle, voici quelques recommandations:

  • leur
    offrir de la simplicité… originale;

  • leur
    proposer une activité que les autres ne peuvent ou ne veulent pas réaliser;

  • ne
    pas tenter de les catégoriser;

  • leur
    permettre de s’impliquer;

  • leur
    offrir une expérience, pas un produit;

  • les
    guider, ne pas les encadrer;

  • prévoir
    des périodes de rafraîchissement et de repos.

Les
messages publicitaires à leur intention exigent également une certaine
subtilité afin de les interpeller et de les intéresser, sans toutefois
les confiner et les catégoriser. Ils ne désirent surtout pas «passer»
pour un vieux ou une vieille, ni pour une machine à consommer. Voici quelques
mots ou expressions à éviter en s’adressant aux nouveaux seniors: âgés,
âge d’or, vieux, têtes blanches, touristes gris, retraités, seniors, etc.

Les
entreprises doivent ajuster leurs concepts. Les rabais consentis en fonction
de l’âge peuvent demeurer, mais il s’avère préférable d’éviter de catégoriser
la clientèle. Parler d’un prix spécial pour les plus de 60 ans plutôt
que pour la clientèle de l’âge d’or. Une question doit toujours demeurer
à l’esprit du gestionnaire: lequel de mes produits ou services pourrait
devenir désuet face à une clientèle vieillissante?

Sources: 
– Direction du Tourisme de France – Département de la Stratégie,
de la Prospective, de l’Évaluation et des Statistiques. «Les pratiques
touristiques des seniors en 2003», octobre 2004.
– Littrell, Mary A., Rosalind C. Paige et Kun Song. «Senior travellers:
Tourism activities and shopping behaviours», Journal of Vacation Marketing,
vol. 10, no 4, 12 mai 2004.
– Outburst Advertising/Marketing News. «Why Target the Senior Market?»,
octobre 2004.
– Rach, Lalia. «The Aging Society: Realities and Perspectives Impacting
the Travel Industry», 18th Annual Governors Conference on Travel &
Tourism, 29-30 mars 2005.
– Reece, William S. «Are Senior Leisure Traveler Different?», Journal
of Travel Research, vol. 43, août 2004.


Source
du texte : Réseau de veille en tourisme – www.veilletourisme.ca

 


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