L’une des principales erreurs d’appréciation concernant les Seniors, ces dix dernières années, a été de croire que cette cible était homogène. Aujourd’hui, tous les directeurs marketing et les experts du marché des Seniors s’accordent pour dire que l’hétérogénéité des plus de 50 ans est très forte.
Pourquoi est-il important de segmenter les plus de 60 ans, sachant que nous disposons déjà de segmentations simples ? Tout simplement parce que si les Seniors sont les plus de 60 ans, il y a un écart de plus de trente ans entre les plus âgés et les plus jeunes. Il est bien évident qu’un quinquagénaire et un septuagénaire ont des profils très différents. Les habitudes de consommation, l’état de santé, les besoins sont donc très variés (comparez, par exemple, les modes de vie d’un couple de Jeunes Seniors avec encore un enfant à charge et d’une veuve de 77 ans).
D’autre part, les revenus des plus de 55 ans sont très inégaux. Au sein de la population âgée, les niveaux de pensions sont très variables selon le sexe, l’âge, le statut matrimonial, la durée de cotisation, que l’on possède un patrimoine ou non, etc. Avec les réformes des systèmes de retraite, ces différences pourraient bien s’accentuer.
Sur le plan des valeurs, même constat d’une grande diversité. D’où, comme nous le verrons plus loin, le «marketing générationnel ». On n’a pas le même système de valeurs selon qu’on a grandi pendant des périodes de guerre ou de restriction ou qu’on a passé son adolescence pendant les Trente Glorieuses.
Nous ne pouvons pas parler de l’hétérogénéité de cette population âgée sans parler des effets du vieillissement, qui entraînent des différences extrêmement importantes. C’est vrai pour les personnes de générations différentes, autant que pour des individus de même âge. Pour certains domaines d’activités tels que les assurances, il serait important d’en tenir compte.
Une segmentation des Seniors nécessaire
Les professionnels du marketing parlent de marketing de ciblage, une démarche en trois temps parfois appelée « Segmentation-Ciblage-Positionnement ». Il consiste à segmenter le marché, c’est-à-dire le découper en sous-ensembles homogènes, significatifs et accessibles, avant de définir des cibles en évaluant l’attrait relatif de chaque segment pour choisir ceux sur lesquels il faut concentrer ses efforts. Le choix du positionnement vient ensuite : il permet d’imaginer la façon dont l’offre sera présentée à la cible.
Certes, le marché des enfants et des adolescents aussi est hétérogène, mais celui des Seniors apparaît plus complexe : les Seniors ont acquis une expérience, une maturité qui les rend, par exemple, moins sensibles aux avis extérieurs.
Quand une entreprise décide d’intervenir sur le marché des Seniors, elle admet généralement ne pouvoir s’adresser à tous les clients possibles. De même qu’il est inutile de proposer des couches d’incontinence aux 50-55 ans en utilisant le marketing de masse, il est difficile dans certains domaines d’activité, voire impossible, de cibler de la même manière à la fois les Boomers et les retraités actuels.
Les plus de 60 ans sont nombreux (16 millions de personnes en 2015 et 20 millions en 2021), dispersés et différents selon leurs attentes, leurs modes de vie, leurs valeurs, etc. Les comportements d’achat sont ainsi très divers, non seulement selon les générations, mais au sein d’une même génération.
On peut choisir de nombreux critères de segmentation : géographiques, socio-démographiques, psychographiques, comportementaux, etc.
Les critères géographiques servent à découper le marché en plusieurs unités territoriales. Certains acteurs du tourisme les utilisent pour cibler les Seniors parisiens, par exemple.
Une segmentation socio-démographique définit différents groupes, identifiés sur la base de critères tels que l’âge, le sexe, la taille du foyer, le revenu, la nationalité ou la catégorie socioprofessionnelle. L’âge est un critère souvent utilisé, mais qui pose de nombreux problèmes, comme nous le verrons plus loin.
Les critères psychographiques (classe sociale, style de vie, personnalité, etc.) ont fait l’objet de nombreuses recherches sur le marché des Seniors aux États-Unis, avec notamment le professeur George Moschis. Ses travaux ont abouti à une segmentation des Seniors en quatre profils : frails (fragiles), healthy hermits (ermites en bonne santé), ailings (en mauvaise santé) et healthy indulgers (hédonistes en bonne santé) [source : The Maturing MarketPlace, George Moschis].
Le quatrième type de segmentation évoqué, basé sur les comportements, consiste à découper le marché des consommateurs en groupes homogènes du point de vue de leurs connaissances, attitudes et expériences à l’égard d’un produit ou de ses attributs.
Pas de segmentation miracle
Une fois définies les grandes classes de segmentation, laquelle utiliser ? Parlons un peu de l’histoire des segmentations aux États-Unis, où elles sont employées depuis longtemps. Les premières segmentations utilisées étaient basées sur le critère de l’âge. La typologie de Yankelovitch a ensuite donné naissance au marketing générationnel. Les segmentations psychographiques sont les plus récentes, avec les travaux de Moschis. De son côté, l’Aarp, l’association des retraités américains, a développé une sous-segmentation des Boomers. Citons aussi la segmentation ValuePortraits de l’ex-division américaine spécialisée sur le marché des Seniors de J. Walter Thompson, développée avec Seniors Research Group. Dans cette catégorie, nous trouvons également les ProfilsValeurs de Frederic Serriere Consulting, également développés en France.
Les segmentations psychographiques principalement basées sur les valeurs sont actuellement les plus employées. Elles permettent de s’affranchir de l’âge, ce qui est souvent un grand avantage sur le marché des Seniors.
Les entreprises leaders sur le marché des Seniors l’ont bien compris : utiliser telle quelle une segmentation standard est une erreur. Beaucoup d’entre elles ont adapté des segmentations existantes ou ont développé leur propre segmentation. Ne pas segmenter la cible des Seniors est risqué, appliquer une recette miracle l’est tout autant.
Nous nous proposons maintenant de passer en revue trois types de segmentations. Le premier correspond à une segmentation basée sur le critère de l’âge, la deuxième concerne ce que nous appelons souvent le marketing générationnel. Nous finirons par la présentation des ProfilsValeurs qui correspondent à une segmentation psychographique.
Encore une fois, il ne s’agit pas de retenir l’une de ces segmentations comme la meilleure. L’idée est de développer la segmentation qui correspond à son domaine d’activité et est compatible avec ses objectifs et ses ressources.
Dans le Guide Silver Economie 2016, sont présentées différentes segmentations actuellement utilisées par les entreprises sur le marché des Seniors.