La Mutualité Française consacre la 2e édition de son Observatoire au sujet des impacts financiers du vieillissement de la population.
Les principaux enseignements :
La prise en charge de la perte d’autonomie est un sujet qui préoccupe les Français.
L’Observatoire montre que la perte d’autonomie, qui est un véritable enjeu de société, n’est pour autant pas toujours perçu comme tel. Deux études menées par Harris Interactive confirment que la perte d’autonomie est bien un des premiers sujets de préoccupation des Français, qui s’y sentent mal préparés financièrement, mais qu’ils assument comme un problème essentiellement individuel et non sociétal. En particulier, les aidants ne formalisent pas aujourd’hui de revendications politiques vis-à-vis des pouvoirs publics, sauf auprès des communes identifiées comme pouvant leur apporter une aide ponctuelle et au quotidien.
La solidarité nationale est déjà très présente.
Les dépenses liées à la prise en charge des personnes en perte d’autonomie sont estimées à 30 milliards d’euros. Ce montant recouvre le surcroît de dépenses de santé directement liées à la perte d’autonomie, les dépenses permettant à une personne âgée en situation de perte d’autonomie d’effectuer des actes de la vie quotidienne et les dépenses liées à son hébergement.
Les pouvoirs publics et la solidarité nationale (collectivités locales, Etat, Sécurité sociale…) financent 79% du total de la dépense pour un montant de 23,7 milliards d’euros ; 6,3 milliards d’euros sont à la charge des Français. Parmi les 6,3 milliards d’euros de dépenses à la charge des ménages, 3,8 le sont au titre des frais d’hébergement.
La solidarité familiale est aujourd’hui sous tension.
D’après l’étude Harris Interactive, un aidant sur deux déclare y consacrer du temps tous les jours. Le type d’aide le plus fréquemment apporté est l’accompagnement dans les démarches administratives et l’organisation de la vie quotidienne, les soins (35% des aidants), l’hébergement au moins occasionnel (20%) et l’aide financière (19%).
En Ehpad, les restes à charge (Rac) sont élevés et très variables d’un département à l’autre.
Un mois d’hébergement en Ehpad pour une personne sévèrement dépendante (Gir 1 et 2) coûte en moyenne 2.450 euros. Ce coût est de 2.050 euros dans la Meuse mais il dépasse 3.500 euros à Paris.
En prenant en compte les différentes aides publiques, le Rac est de 2.000 euros en moyenne (Gir 1 et 2). Il s’avère très différent d’un département à l’autre : il atteint 1.600 euros par mois dans la Meuse, et culmine à plus de 3.100 euros par mois à Paris et dans les Hauts-de-Seine.
Pour plus d’un résident sur deux, le reste à charge est supérieur aux ressources. Dans l’Essonne par exemple, le reste à charge atteint 2.552 euros par mois. Y résider pendant cinq ans revient donc à plus de 150.000 €, une fois déduites les aides publiques. Ce montant dépasse de 46.900 € le niveau de vie médian des retraités. Autrement dit, la personne âgée qui entre dans un Ehpad en Essonne non seulement y consacrera l’intégralité de ses revenus mais devra en outre disposer d’une épargne de presque 50.000 €.
Autre enseignement : le nombre de places d’hébergement permanent varie fortement d’un département à l’autre. Il est le plus bas à la Réunion (44 places pour 1.000 habitants de plus de 75 ans) et le plus élevé en Lozère (197 places pour 1.000 habitants de plus de 75 ans), soit 4,5 fois plus.
A domicile, le coût est très variable d’un département à l’autre et l’intervention des aidants informels est clé.
En effet, selon les politiques sociales des départements, le même montant d’Apa couvre dans le Finistère 66 heures subventionnées par mois auprès des personnes les plus dépendantes, contre 98 heures dans le Jura, soit un écart de 32 heures(1).
Pour les personnes en situation de perte d’autonomie très lourde, le Rac moyen à domicile peut atteindre entre 2.500 € et 4.050 € en fonction du revenu de la personne âgée(2). Mais c’est aussi à domicile que l’intervention des aidants est la plus courante, et notamment la solidarité familiale. Cette aide informelle, qui est évaluée en France à 11 Mds€ et qui se concentre au domicile, permet de faire diminuer dans des proportions considérables le coût moyen à domicile sur l’ensemble des Gir. Il serait alors de 55€ par mois en 2018 (117€ pour les Gir 1, 92€ pour les Gir 2, 64€ pour les Gir 3 et 37€ pour les Gir 4).
Une charge lourde pour les aidants informels qui risque de se dégrader.
Alors qu’environ 4,3 millions de personnes aident aujourd’hui une personne âgée, les aidants pourraient être beaucoup moins nombreux demain, avec la baisse du nombre d’enfants, le recul de l’âge de la maternité et du départ à la retraite. Ainsi, le nombre d’aidants potentiels (conjoints et enfants) par personne dépendante va baisser de 20% entre 2000 et 2040 passant de 2,8 à 2,3 pour les hommes, et de 10% pour les femmes (de 2,2 à 2). Et la part des personnes dépendantes qui ont au moins un enfant sans activité professionnelle va diminuer quasiment de moitié passant entre 2020 et 2040 de 8 à 5% pour les femmes et de 5 à 3% pour les hommes.
Le vieillissement de la population s’accélère.
Si 2,1 millions de personnes avaient plus de 85 ans en 2017, elles devraient être 5,4 millions en 2050. Et le nombre de personnes en perte d’autonomie devrait doubler en 2060 pour atteindre 2,6 millions (contre 1,3 million actuellement).
Enfin, le niveau de vie relatif des retraités devrait diminuer.
Le ratio entre le niveau de vie des retraités et celui de l’ensemble de la population, proche de 105% en 2015, devrait baisser dans 50 ans pour s’établir à moins de 90%.
« Les mutuelles peuvent, en complément de la solidarité nationale, proposer des solutions pour aider les Français dans la prise en charge de leur perte d’autonomie », estime Thierry Beaudet. « Nos mutuelles sont déjà extrêmement présentes sur les territoires avec leur réseau d’Ehpad et les alternatives qu’elles proposent (projet d’Ehpad hors les murs, accueil de jour, habitat inclusif…). Afin d’aller plus loin et répondre aux attentes qui s’expriment, la Mutualité Française fera des propositions d’ici la fin de l’année au sujet tant du financement, que de la prévention ou de l’offre de services et d’accompagnement. »
Focus
Les restes à charge, après remboursement de l’assurance maladie, sont élevés pour les personnes hospitalisées ou en ALD (population parmi laquelle les personnes âgées sont surreprésentées) :
– 3,3 millions de personnes (soit 5% de la population) ont aujourd’hui un reste à charge après remboursement de l’assurance maladie supérieur à un mois de revenu moyen disponible (1.700 euros). Pour ces personnes, le reste à charge moyen, avant remboursement par les complémentaires santé, atteint 2.900 euros, un niveau 6 fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population.
– Après la réforme du 100% Santé, 60% de ces personnes verront leur reste à charge après remboursement de l’assurance maladie, passer sous les 1 700 euros. 1,3 million de personnes continueront à subir un reste à charge élevé. Parmi elles, il y a essentiellement des personnes hospitalisées ou en ALD (population parmi laquelle les personnes âgées sont surreprésentées).
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