Selon
un nouveau rapport de la Banque mondiale publié aujourd’hui, il est
urgent de réformer les systèmes de retraite au Moyen-Orient et en Afrique
du Nord car ils sont soumis à des pressions financières croissantes.
Le rapport, intitulé « Les régimes de retraite au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord ;: l’heure est au changement » est la première étude
régionale portant sur plus de 30 régimes de retraite dans 13 pays 1
et préconise une série de mesures qui permettrait aux gouvernements
de réformer progressivement des régimes de retraite dont ils ne peuvent
assurer le financement à terme, et d’éviter ainsi des crises à l’avenir.
Selon
le nouveau rapport, les problèmes des régimes de retraite de la région
tiennent à leur faible taux de couverture, à la fragmentation de leur
administration et à la manière dont ces systèmes sont conçus, tous facteurs
ayant des incidences négatives sur les incitations et sur l’équité.
Le rapport donne à penser que ces systèmes de retraite essaient d’offrir
des prestations trop généreuses. En moyenne, les travailleurs, à la
fin d’une carrière complète, bénéficient d’une pension équivalant à
80 ;% de leur revenu avant le départ à la retraite. Ce taux est
beaucoup plus élevé que les pensions promises dans 24 pays à
;revenu élevé (ainsi que dans 10 pays d’Europe orientale
et d’Asie centrale et dans 9 pays d’Amérique latine et des Caraïbes),
où les pensions représentent en moyenne de 57 ;% des revenus pendant
la vie active. ; ; ;
«
La crise du régime des retraite est souvent associée au vieillissement
de la population, ce qui est trompeur. Dans la région MENA où 60 ;%
de la population est jeune, les régimes de retraite connaissent déjà
des difficultés financière», ;déclare M. Christiaan
Poortman, Vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient
et l’Afrique. « Le problème est donc d’ordre structurel et
non démographique. C’est maintenant qu’il faut prendre des mesures de
réforme. Si la réforme du régime des retraites est remise à plus tard,
il faudra effectuer des ajustements majeurs par la suite et cela aura
pour conséquence de faire endosser le coût de la réforme aux générations
futures» a-t-il ajouté.
La
réforme du régime des retraites n’a pas progressé au même rythme dans
l’ensemble de la région MENA. Certains pays comme l’Algérie, la Libye
et la Syrie en sont au tout début du processus de réforme ou n’ont pas
encore commencé à en débattre. Dans d’autres pays tels que l’Iran, l’Irak,
la ;Tunisie et le Yémen, les débats sur
les grandes orientations en sont à un stade plus avancé mais une stratégie
cohérente n’a pas encore été arrêtée. Djibouti, l’Égypte, la Jordanie,
le Liban, le Maroc, la Cisjordanie et Gaza par contre, ont fait des
progrès importants dans ce domaine, en rédigeant des législations novatrices
et en introduisant des réformes structurelles.
Le
rapport exhorte les pays qui en sont au tout début du processus de réforme
à évaluer de façon très complète les problèmes financiers auxquels les
systèmes de retraite sont confrontés. En l’absence de telles études
de base, il n’est pas possible d’engager le débat sur les avantages
et les inconvénients de différents programmes de réformes. Dans d’autres
pays, l’objectif immédiat est de passer des directives stratégiques
à un plan de réforme détaillé, ce qui exigera un travail d’analyse supplémentaire
et la recherche d’un consensus. Le dernier groupe doit encore consolider
une stratégie de réformes intégrée et passer au stade de l’exécution.
«
Les pays de la région MENA sont très différents quant à leur situation
économique et politique, ;mais
leurs systèmes de retraite ont en commun d’importants problèmes liés
à la conception et aux structures,» affirme M. David Robalino, économiste senior à la Banque mondiale
et principal auteur du rapport. « Il est possible d’arrêter
un ensemble de normes minimales auquel tout programme de réforme devra
satisfaire; le contenu spécifique de ces programmes devra clairement
traduire les préférences sociales et être compatible avec la situation économique du pays».
Le
rapport fait ressortir que tous les pays ont des systèmes de retraite
liés aux revenus, ; financés par répartition, et qui datent
de la fin des années 60 et du début des années 70. Aucun changement
n’a été apporté à la structure des systèmes depuis lors. En moyenne,
ces systèmes assurent une couverture à 30 ;% de la population active.
Malgré ces niveaux de couverture relativement modestes et le fait que
seuls 5 à 10 ;% des personnes âgées touchent une retraite, les dépenses
en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) sont déjà de l’ordre
de 1 à 3 ;%, ce qui est élevé compte tenu de la proportion de la population âgée dans l’ensemble de
la population.
En
dépit des différences de structure démographique, tous les pays de la
région ont en commun une population relativement jeune. ;Un accroissement
rapide des rapports de dépendance économique des personnes âgées n’interviendra
que d’ici 15 à 20 ans. Cependant, indépendamment du processus de vieillissement
de la population, les systèmes de retraite se heurteront tôt ou tard
à des problèmes. Le vieillissement futur de la population ne fera qu’aggraver
la situation. La plupart des fonds de pension
accumulent d’énormes engagements de retraite non capitalisés
qui ne peuvent être soutenus et qui, en l’absence de réformes, devront
être financés par les générations futures.
En
outre, les régimes de retraite se heurtent à des politiques qui affaiblissent
les incitations et qui redistribuent arbitrairement les revenus entre
les membres. L’administration des pensions est
;fragmentée et il existe souvent deux régimes de retraite,
voire davantage, pour différents groupes de travailleurs. Ce procédé
est coûteux et limite la mobilité de la main-d’oeuvre. Le rapport souligne
également les problèmes de gouvernance favorisant des politiques d’investissement
risquées, qui ne profitent pas nécessairement aux membres.
Le
rapport aborde également la question de l’égalité hommes-femmes au sein
des systèmes de retraite. Il révèle que dans toute la région, la législation
relative aux pensions offre aux femmes une plus grande souplesse quant
aux décisions de départ à la retraite et celles-ci bénéficient de prestations
aux survivants plus sécurisées, ;une politique qui repose sur l’hypothèse
que les hommes sont les principales sources de revenu des ménages. Cette
particularité de la législation a toutefois pour conséquence de rendre
les femmes plus vulnérables à la réforme du régime des retraites. En
effet, si l’objectif est d’avoir une législation qui traite les hommes
et les femmes sur un même pied d’égalité en matière de retraite, toute
modification des régimes actuels affectera davantage les femmes que
les hommes. Par conséquent, les décideurs devront mettre au point des
mécanismes qui tiennent compte de l’impact potentiel de telles réformes
sur les femmes. ; ;
«
Les leçons que l’on peut retirer de l’expérience internationale en
matière de réformes au cours des dix dernières années montrent qu’il
n’y a pas qu’une seule méthode valable –les pays peuvent choisir les
différents éléments d’un régime de retraite efficace en fonction de
leurs besoins,» déclare ;M. Robert Holzmann, Directeur du Groupe
de la protection sociale à la Banque mondiale une autorité internationale en matière de réforme des systèmes de retraite.
« Ce qui ressort également, c’est la nécessité de continuer à réduire
la pauvreté, à éliminer le risque d’une chute rapide des niveaux de
vie et à protéger les populations âgées vulnérables des crises économiques
et sociales.» ;
;
sur le travail de la Banque mondiale dans le domaine des retraites,
voir : ; www.worldbank.org/pensions