Quelle place la personne âgée trouve-t-elle dans la Société, interroge le Comité consultatif national d’éthique dans sa note publiée le 16 mai. La réponse est sévère pour traduire un rejet formulé en terme de séparation, de ghettoïsation.
Par Bernard Devert, Habitat-Humanisme
Le Comité s’interroge sur le fondement justifiant le fait de réduire l’espace d’une personne âgée à une « cellule monacale » et la raison d’une concentration des personnes dépendantes sur un même lieu.
L’observation ne saurait être réduite aux seules personnes âgées ; la Nation ne cesse de créer des espaces séparatifs, pour les vieux, les handicapés, les jeunes, les pauvres et les riches. Les ségrégations, si elles ne sont pas des maltraitances, alors que sont-elles ?
Naturellement, la maltraitance ne procède pas d’une volonté mais d’une attitude passive et peureuse conduisant au refus de l’autre. Les « cases » sont préférées aux espaces ouverts et créatifs de vie.
Le « vivre ensemble » expression usée pour être peu considérée – s’apparente souvent à une simple juxtaposition, une cohabitation des personnes. Dommage, alors que l’enjeu emporte des potentialités créatrices de richesses. Les divergences, pour être des sons différents, sont des appels vers des accords qui, trouvés, suscitent une harmonie inattendue, souvent inespérée.
L’urbanisme plus inclusif s’impose. Il peut pour partie se décréter mais il doit répondre au désir d’un « faire ensemble » dans cette reconnaissance que nous avons beaucoup à gagner, pour avoir tant de choses à partager.
Cette perspective de fraternité se heurte à un individualisme rampant destructeur de l’idée de personne étouffée par l’individu. Edgar Morin dit que c’est seulement dans la tension entre l’autonomie et la dépendance, l’aptitude et l’insuffisance que naît la personne.
L’individu, enfermé dans ses illusions de puissance et d’autonomie, fait échec à la relation, école du savoir pour accéder au statut de personne.
L’approche de l’hétérogénéité nécessite les conditions d’un apprivoisement, soutenue par le désir d’une plus grande cohérence entre les liens et les lieux sans laquelle la cité, meurtrière de l’humain, porte les traces de l’enfermement, synonyme de maltraitance.
La mixité est un combat permanent ; elle est le traitement contre la maltraitance. Qui n’a pas entendu les barbares arrivent quand l’acte de construire fait place à la diversité sociale, culturelle ou encore : je ne veux pas voir des personnes en fauteuil roulant, des handicapés…
La barbarie, jamais étrangère à la maltraitance, est plus cachée, intériorisée que nous ne le pensons.
Dans « l’espace monacal », suivant l’expression du Comité éthique, il nous faut entendre la sagesse amicale des ‘vieux’ qui viennent nous dire : « ouvrez-vous à la différence, n’ayez pas peur, croyez à la vie ; notre souffrance n’est pas d’être âgés mais de nous sentir abandonnés, à part, comme le sont nos soignants ». Ne leur jetez surtout pas l’opprobre.
Ainsi, se font-ils les défenseurs de leurs soignants qui, dans ces espaces dits adaptés à la retraite
subissent une forme de retrait. Oubliés, leur mission n’est même pas reconnue ou si peu. Quelle maltraitance !
Il faut en finir avec ce mal. Multiplions l’habitat intergénérationnel et l’EHPAD à domicile, moins pour maintenir que pour tenir à cette dimension du risque inhérent à la vie ; l’accueillir en le sécurisant, n’est-ce pas un signe de bienveillance ; il protège de la maltraitance.
Dans l’EHPAD il y a le H de l’habitat, de l’hôpital, de l’hospice, de l’hébergement, de l’hospitalité. Enterrons les H pour n’en garder qu’un seul, l’hospitalité, un seul mot pour dire le lieu où l’on reçoit et où l’on est reçu.