Ils resteront sans aucun doute très puissants, mais peut-être pas aussi dominants qu’aujourd’hui, selon des experts interviewés.
Jacques Légaré est de ceux qui pensent que les baby-boomers vont demeurer dominants. « À cause de leur nombre, ils avaient le contrôle à 20 ans, et ils l’auront toujours à 80 ans », affirme sans ambages le professeur émérite au département de démographie de l’Université de Montréal.
« Attendez-vous à ce qu’ils exercent d’énormes pressions sur les gouvernements pour qu’ils leur offrent de plus en plus de soins de plus en plus avancés, poursuit M. Légaré. Ils vont aussi exiger que l’on maintienne la valeur de leurs caisses de retraite. »
« La génération la plus égocentrique qui n’ait jamais existé »
En 1991, ils étaient 700 000 Québécois âgés de 50 à 60 ans. En 2015, ils seront 1,3 million. En plus, les personnes âgées votent davantage que les jeunes. Des chiffres qui annoncent « un Québec plate pour les 20 prochaines années », lance tout de go Jean-Marc Léger, président de Léger Marketing.
« Le poids politique, c’est le poids démographique; c’est aussi simple que ça. Quand ils ont voulu des écoles, ils ont eu des écoles. Quand ils se sont mis au golf, le golf est devenu populaire. Pourquoi croyez-vous que la santé est la priorité de nos gouvernements ? Parce que les baby-boomers vieillissent. C’est la génération la plus égocentrique qui ait jamais existé; les générations qui les ont suivis n’ont eu que des miettes. »
C’est une prélude aux années 2010 : une fonction publique sclérosée, une population qui vire à droite et qui ne se préoccupe plus que de sa santé et de sa caisse de retraite, ajoute M. Léger.
« Nous avons beaucoup innové depuis 40 ans parce que nous étions jeunes, ajoute M. Léger. Mais ça achève. Les jeunes vont se révolter, mais en vain parce qu’ils ne sont pas assez nombreux. En plus, les baby-boomers sont surendettés et vont continuer à surconsommer. Ça va péter avant longtemps. »
Raymond Hudon, professeur au Département de science politique de l’Université Laval, prévoit que le Québec retrouvera en 2021 le taux de dépendance démographique (soit les personnes sur le marché du travail par rapport aux autres) qu’il avait en 1961. En 1961, c’était à cause des nombreux enfants alors qu’en 2021, ce sera à cause du nombre de retraités.
« J’ai bien peur que cette situation crée de fortes tensions entre les générations », craint M. Hudon.
Les nuances existent
Simon Langlois, professeur titulaire au département de sociologie de l’Université Laval, est d’un autre avis.
« On ne peut pas projeter le pouvoir politique des baby-boomers à 20 ans sur celui qu’ils auront à 75 ans. Dans les années 60, ils formaient la base de la pyramide, et étaient effectivement très dominants. Mais si vous regardez les perspectives démographiques du début des années 2020, la pyramide est devenue une maison (voir graphiques ci-contre). Les baby-boomers ne seront pas aussi dominants; il y aura un nouveau rapport de force entre eux et les générations qui les suivent. »
Donc, selon M. Langlois, la dominance des baby-boomers tire à sa fin. Néanmoins, les baby-boomers, plus instruits et mieux informés que leurs parents, n’en demeureront pas moins un client difficile pour les gouvernements. Santé et caisses de retraite évidemment, mais aussi culture. « Ils auront le temps de consommer beaucoup de produits culturels et ils seront très exigeants, parce qu’ils en ont vu d’autres. »
M. Langlois fait aussi remarquer que les baby-boomers auront plus de temps pour « faire des tours de machine », comme disaient leurs pères. Et comme les membres de cette génération sont très attachés à leur voiture, le gouvernement aura intérêt à maintenir nos routes à bon état. « C’est une génération qui verbalise beaucoup ses revendications. Ce qui ne fait pas leur affaire, ils vont le dire », prévient M. Langlois.
Jardiner pendant 20 ans ? Jamais !
Karine Genest, conseillère aux dossiers sociaux de FADOQ-Mouvement des aînés (280 000 membres), voit l’apport des baby-boomers à la société d’un très bon oeil.
« Ce n’est pas parce qu’ils ne seront plus sur le marché du travail que les baby-boomers vont jouer un rôle passif. Ils sont des carriéristes, ils se sont définis toute leur vie par leur travail. Ils ne passeront certainement pas 20 ans de leur retraite à jardiner et à voyager.
« Ce que je vois sur le terrain, poursuit Mme Genest, c’est qu’après deux ou trois ans à voyager, plusieurs se remettent en question et retournent sur le marché du travail. Et je ne pense pas du tout qu’il y aura un affrontement intergénérationnel. Imaginez les services que les baby-boomers pourront rendre aux générations qui les ont suivis, ne serait-ce que sur la question du soutien aux enfants et aux petits-enfants et au bénévolat. »
Mme Genest met aussi en garde les spécialistes qui seraient tentés d’enfermer les baby-boomers dans des stéréotypes : « Cette génération a fait éclater les modèles; c’est pourquoi elle est très fragmentée. Et elle n’acceptera pas de modèle unique à la retraite non plus. »
source: les affaires.com