Avec 6 sociétés réparties sur l’ensemble du territoire et près de 100 000 logements, ICF Habitat, filiale logement de SNCF, est le 5ème opérateur du logement en France. Interview de Patrick Amico, Président du Directoire d’ICF Habitat Sud-est Méditerranée.
Pouvez-vous présenter ICF Habitat ?
ICF Habitat est un groupe qui compte parmi les grands opérateurs du logement en France. Nous gérons environ 100 000 logements, dont 90% de logements sociaux. Nous sommes une filiale de SNCF et collecteur du 1% logement pour le compte de notre actionnaire majoritaire. Ainsi, nous proposons une offre de logements complète aux agents SNCF mais également à l’ensemble des ménages français en tant qu’opérateur du logement social avec 4 filiales ESH implantées sur l’ensemble du territoire et une société de logements intermédiaires et à loyers libres.
En ce qui concerne les locataires âgés, quelles actions menez-vous ?
La réflexion doit, tout d’abord, être menée de manière stratégique et globale. Plus du tiers de nos locataires a plus de 65 ans. Les 80 ans et plus représentent environ 5 % de nos locataires.
Ainsi, l’ensemble des bailleurs sociaux et nous en particulier, sommes amenés à réfléchir sur la question du vieillissement de la population, suivant deux axes.
Le premier axe est notre action technique : est-ce que nos logements sont capables de s’adapter au vieillissement de nos locataires ?
Le deuxième axe est social : c’est la manière avec laquelle nous accompagnons le vieillissement de nos locataires.
Je pense que le maintien à domicile est préférable à la résidence en établissement spécialisé.
Nous sommes vraiment dans la logique de favoriser, par tous les moyens possibles, le maintien à domicile de nos locataires âgés, car nous avons à cœur d’accompagner nos locataires tout au long de leur vie en leur proposant un habitat adapté à leurs besoins, qu’il s’agisse d’une évolution de la composition familiale ou d’une avancée dans l’âge. C’est le cœur et le sens même de notre mission de bailleur social que d’accompagner des parcours de vie et non seulement de loger.
Concrètement, comment cela se passe-t-il ?
Tout d’abord, nous avons des parcs qui sont très divers. Nous avons à la fois un patrimoine ancien, qui peut remonter jusqu’aux années 30, et des logements plus récents tout à fait inscrits dans la modernité. Il en résulte des situations d’accessibilité et des capacités à accompagner le vieillissement très différentes en fonction des sites.
Nous avons donc réfléchi à la possibilité de réaliser des travaux d’accessibilité. Dans certains cas, cela s’est fait de manière structurée et dans d’autres cas, cela s’organise en réponse aux demandes des locataires âgés.
Comment cette politique est-elle financée ?
Nous dédions des budgets spécifiques à cette thématique d’accompagnement du vieillissement.
Nous bénéficions également de concours direct ou indirect de la Caisse Nationale de l’Assurance Vieillesse, de diverses caisses de retraite et, dans certains cas, d’exonérations de taxe foncière pour ces travaux d’accessibilité.
Nos travaux d’adaptation sont très personnalisés. Nous n’avons pas de modèle absolu de ce qu’il faut faire dans un logement. En fonction des cas, nous allons par exemple installer une douche à l’italienne, changer les fenêtres, installer des barres de maintien, etc.
Nous avons également des situations plus complexes et qui concernent l’accessibilité et l’aménagement des parties communes. Nous essayons, dans ces cas-là, de mener des réhabilitations pour traiter l’accessibilité de manière globale. C’est le cas de la filiale francilienne du Groupe, qui conçoit des programmes de travaux pour adapter les logements mais aussi les parties communes, afin de rendre l’ensemble de la résidence accessible et adaptée aux personnes âgées.
Il s’agit dans ces cas d’une approche patrimoniale globale et technique.
Pouvez-vous nous parler de l’accompagnement social du vieillissement ?
Nous avons un deuxième domaine de compétence, qui est très important aussi et complémentaire au premier même s’il est moins visible sur le court terme : il s’agit de l’accompagnement social.
Depuis de nombreuses années, nous avons structuré nos différentes filiales, notamment sur l’axe social. Nous avons ainsi une quarantaine de collaborateurs qui travaillent sur l’accompagnement social. Ce sont des conseillères sociales, des spécialistes dans différentes problématiques humaines et sociales, qui sont basées dans les filiales du Groupe et qui travaillent en liaison permanente avec le terrain.
C’est grâce à cette organisation, notamment, que nous arrivons à détecter les problématiques d’accessibilité ou de dépendance. Nous avons noté que les personnes elles-mêmes ne déclarent pas tout le temps leur situation et ne demandent pas d’adaptation. C’est essentiellement par manque de connaissance du dispositif, mais aussi parce que les locataires n’imaginent pas que ce type d’aides puisse être proposé.
Pouvez-vous nous donner des exemples d’initiatives ?
Nos actions portent sur différents thèmes, notamment l’accessibilité et l’aménagement des logements, mais aussi sur le thème de l’intergénérationnel ou d’autres projets menés avec des acteurs extérieurs.
Nous concevons et gérons certaines de nos résidences dans une logique intergénérationnelle, à l’image de celle de Chambéry.
Dans ces résidences, nos locataires, quelle que soit leur génération, entrent dans cette démarche spécifique, même si, bien sûr, elle n’est pas imposée. Nous avons des résultats très intéressants : des échanges de services s’organisent, tels que la garde des enfants, des cours de cuisine, du bricolage entre voisins. Ainsi, des réseaux de solidarité se sont créés dans ces résidences.
La résidence « La Martinière », située dans un éco-quartier sur la commune de Bassens, comprend 75 logements du T1 au T5 permettant de diversifier les publics (célibataires, jeunes couples, familles et seniors). 18 logements ont également été pensés et équipés pour des seniors et personnes à mobilité réduite.
Cela nécessite, de notre côté, l’organisation d’animations particulières car ce type de projets doit être porté et structuré. Nous avons par exemple des jardins partagés avec des bacs en hauteur qui permettent aux personnes âgées de pouvoir continuer à jardiner. Ainsi, nous avons des personnes âgées qui donnent des conseils de jardinage à des enfants.
Nous voyons donc que lorsque nous sommes capables de recréer des solidarités, les résultats sont très positifs.
Et si le maintien d’une personne âgée dans son logement n’est pas possible ?
Dans certaines résidences, il n’est pas toujours possible de maintenir les personnes âgées dans un logement banalisé. Ainsi, dans certains cas de figures, nous avons la possibilité de construire des résidences spécifiques qui sont gérées par des gestionnaires spécialisés. Avec ces initiatives, nous souhaitons permettre aux personnes âgées de rester dans leur quartier et de garder leur lien avec leur environnement social proche, tout en leur permettant d’habiter des logements plus adaptés, dans les cas d’entrée en dépendance par exemple. Ce ne sont pas des EPHAD, mais plutôt des résidences services sociales de petites tailles, pour rester au plus près des familles.
Pour construire ces nouvelles résidences, cela nécessite-t-il d’avoir des terrains disponibles dans les mêmes quartiers ?
Nous allons même plus loin que cela. Dans certains cas, nous réhabilitons des bâtiments existants pour en faire des résidences spécialisées ou étudions d’en démolir certaines pour libérer les fonciers nécessaires.
Ainsi, nous portons une vision à 5, 10 et 15 ans sur notre patrimoine pour décider et programmer la transformation en profondeur de certaines résidences en résidences mieux adaptées aux personnes âgées, afin de leur permettre de rester dans leur environnement.
Il s’agit de raisonner sur un secteur géographique de manière globale.