Pour la quatrième année consécutive, la Fondation APRIL publie les résultats de son Baromètre des aidants, réalisé en partenariat avec l’Institut de sondage BVA.
Reconduite chaque année, cette enquête vise à étudier les changements au sein de la communauté des aidants. Elle met notamment en perspective les évolutions de vie des aidants et de leurs proches aidés ainsi que les mesures existantes ou adoptées liées aux enjeux de notre société : prévention de la santé, vieillissement de la population…
Ce Baromètre permet surtout de mieux cerner qui sont les aidants (et les aidés), afin d’essayer d’appréhender leurs attentes et besoins, en matière de soutien, de santé, d’accompagnement ou même de législation. L’objectif est à la fois de démêler le vrai du faux, mesurer les évolutions de cette communauté, identifier et illustrer concrètement la multiplicité des situations auxquelles sont confrontés les aidants qui peut aller de l’aide régulière d’un voisin ayant du mal à se déplacer à l’aide quotidienne apportée à un membre de sa famille…
Si cette étude permet de mesurer la part des aidants au sein de la population française et son évolution, elle poursuit également l’ambition de sensibiliser sur le fait que nous sommes tous potentiellement des aidants en puissance. Cette nouvelle édition pose de nouvelles questions liées aux évolutions sociétales telles que le vieillissement de la population par exemple qui génère forcément de nouveaux types de comportements : allongement du temps de l’aide apportée, de la fatigue ou encore l’apparition d’un phénomène où l’aidant se retrouve à devoir apporter son aide à deux générations simultanément (parents et grands-parents notamment).
Vers une evolution significative de la société et une reconnaissance accrue des aidants
Si les Français étaient 28 % à connaître le terme « aidant » au lancement du Baromètre en 2015, ils sont aujourd’hui 40 % à en avoir entendu parler (soit 2 Français sur 5) dont près de 30% ont une idée précise de ce dont il s’agit. Avec une progression de 12 points en 4 ans, la thématique des « aidants » constitue donc un sujet de plus en plus connu par les Français, sans doute parce que la situation est également de plus en plus endossée ou côtoyée au quotidien. Un constat sans appel dû notamment au vieillissement de la population française.
Ce quatrième Baromètre met en lumière un nouveau phénomène : la progression de la proportion des aidants au sein de la population française. En 2018, 23 % des Français (soit 4 points de plus qu’en 2017) reconnaissent apporter de l’aide de manière bénévole, ponctuelle ou régulière à un ou plusieurs proches en situation de dépendance. La situation d’aidant touche ainsi aujourd’hui plus de 2 Français sur 10.
Cependant, on assiste toujours au paradoxe suivant : les aidants ont du mal à se reconnaître comme tels. S’ils sont 36 % à se qualifier d’aidants (un chiffre qui reste stable à un point près par rapport à l’année dernière), leur perception évolue et ils ont de plus en plus conscience de tenir un rôle particulier auprès de leur proche, tout en qualifiant l’aide apportée de normale… Véritable signe de la difficulté à nommer un rôle qu’ils jugent souvent naturel auprès des aidés. Pour beaucoup, ils continuent à « s’ignorer » alors qu’ils ont déjà endossé ce rôle sans le savoir, et très souvent sans le vouloir.
Qui sont les aidants ?
Un nouvel aspect apparaît en 2018 concernant la santé et la charge des aidants : à ce jour, il y a de plus en plus de multi-aidants. En effet, 34 % d’entre eux déclarent prendre soin de plusieurs proches (contre seulement 28 % en 2017). Et le score monte à 41 % pour les Français qui aident au moins un de leurs parents. Ils sont 24 % à aider au moins deux personnes et 10 % trois personnes ou plus.
Parmi les aidants, 86 % aident d’abord un membre de leur famille. Ils sont 40 % à s’occuper régulièrement et de manière bénévole, de l’un de leurs parents ou des deux. Et pour 25 %, l’aide est ensuite majoritairement apportée à un autre membre de la famille. Sur cet item, on note cette année une augmentation de 6 points par rapport à 2017.
L’aide envers les grands-parents reste stable avec 14 % de répondants, une jolie preuve de la solidarité intergénérationnelle. En nette progression aussi depuis 2015, le fait que les aidants doivent aussi désormais se mobiliser auprès d’un autre membre de leur famille (25 % en 2018 contre 19 % en 2017 soit + 6 points). 9 % des aidants déclarent aider un ami, 8 % leur enfant et 7 % leur conjoint.
L’allongement de la durée de vie, un phénomène sociétal qui vient bousculer le quotidien des aidants
En France, nous assistons au vieillissement de la population dû à l’allongement de la durée de vie. Une situation qui génère, de façon quasi mécanique, une augmentation des personnes dépendantes et par là même, des aidants. Ainsi, selon le Baromètre, 57 % des aidants déclarent s’occuper d’un proche en situation de dépendance due à la vieillesse (soit une augmentation de 9 points par rapport à 2017), un score qui atteint son plus haut niveau depuis 2015 ; chronique d’une évolution annoncée dans un contexte où en 2050, un habitant sur 3 en France sera âgé de 60 ans et plus. Aujourd’hui, de plus en plus de Français encore actifs, mais déjà eux-mêmes vieillissants, sont contraints d’endosser le rôle d’aidants.
Quels sont les liens entre les aidants et leurs proches aidés ?
Les aidants accompagnent davantage leurs parents (40 % en 2018) que leurs grands-parents (14 % en 2018) avec toutefois une tendance à la hausse sur cette dernière population (+ 4 % depuis 2015). Avec l’allongement de la durée de vie, il devient de moins en moins rare de voir un aidant se retrouver avec la charge de 2 générations (parents et grands-parents). Ce qui a un impact direct sur le nombre de personnes aidées par un seul aidant. On assiste là aussi à une progression des résultats avec 34 % des aidants qui aident plusieurs personnes (2, 3 ou plus).
Où vivent les personnes aidées ?
Le Baromètre indique que 67 % des aidés vivent à leur domicile ; cependant il fait apparaître un fait encore jamais observé auparavant : l’augmentation accrue de la proportion des aidés qui vivent désormais en institution, passant de 18 à 21 %, tandis que la proportion des aidés vivant chez leurs aidants est en baisse de 5 points, passant de 19% en 2017 à 14 % en 2018, posant aussi la question du maintien à domicile.
Tour d’horizon sur l’aide apportée et ses conséquences
Même si pour la majorité des Français, aider un proche reste quelque chose de normal et de naturel, ceux qui se définissent réellement comme aidants ont identifié différents types d’aides. Pour 66 % d’entre eux, il s’agit avant tout d’un soutien moral à leurs proches dépendants, et le résultat est exacerbé quand ces derniers vivent en institution (80 %), un phénomène qui comme déjà évoqué précédemment progresse aussi cette année. 55 % des aidants apportent une assistance aux tâches domestiques (faire les courses, le ménage, préparer les repas) et 50 % un accompagnement dans leurs déplacements (contre 49 % l’année dernière) ou encore une surveillance en téléphonant ou en venant les voir (contre 43 % en 2017). Ils sont aussi 44 % à offrir leur aide pour les formalités administratives et le suivi des comptes et 23 % à apporter une aide financière. Parmi ces réponses, certains aidants se retrouvent impliqués dans plusieurs situations simultanément.
Parmi les aides apportées, quelles sont celles qui progressent le plus ? À la question, est-ce que les aides apportées progressent ? La réponse est indéniablement oui. On note une nette augmentation des différentes catégories d’aides apportées, avec un TOP 3 structuré autour des items suivants : le soutien moral a progressé de 7 points par rapport à la dernière enquête tout comme la surveillance en téléphonant ou en passant voir l’aidé qui a gagné 7 points. Même constat pour l’aide aux formalités administratives qui évolue de 5 points en un an.
Comment s’organise l’aidant et sur qui peut-il compter au quotidien ? 63 % déclarent se partager l’aide de leur proche (contre 61 % l’année dernière), mais ils sont près de 4 sur 10, soit tout de même 37 % à ne bénéficier d’aucune aide extérieure alors qu’ils sont souvent eux-mêmes âgés. La part d’aidants endossant ce rôle seul est plus élevée chez ceux vivant avec l’aidé (65 %) et chez les 65 ans et plus (48 %), potentiellement plus fragiles.
Dans ce contexte, ce n’est donc pas un hasard si le Baromètre dévoile que le principal soutien de l’aidant est encore et toujours le médecin généraliste à 35 %. Un rôle toutefois en déclin de 9 points par rapport à l’année précédente, de plus en plus compensé par le soutien apporté par les infirmières qui lui, progresse régulièrement depuis 2015, pour atteindre 30 % en 2018. Ces deux catégories de professionnels de santé restent les meilleurs relais des aidants qui disent par ailleurs se sentir soutenus par les services à domicile et les aides ménagère à 21 %, d’autres professionnels de santé (15 %), les assistantes sociales (12 %) et les services sociaux (des mairies ou des départements) (8 %).
Selon 86 % des Français, le statut d’aidant reste encore trop peu valorisé, la proportion est quasiment la même pour les aidants qui jugent que leur situation n’est pas assez valorisée à 88 %.
Quelles seraient les actions utiles à mettre en place ?
Une meilleure coordination entre tous les acteurs pour 90 % des personnes interrogées (aidants comme non-aidants), une aide financière et/ou matérielle pour 87 % sans oublier un maintien à domicile de l’aidé facilité pour 87 %. D’autres pistes sont également mises en évidence dans le Baromètre comme le besoin en formation (sur les gestes quotidiens, par exemple) pour 85 % à égalité avec le développement de Maisons de Répit accueillant ponctuellement l’aidé ou l’aidant ou encore un aménagement du temps de travail.
Le besoin de soutien psychologique est également évoqué par 83 % des répondants, suivi par le développement des échanges entre aidants (81 %) et le don de RTT en direction d’un collègue aidant, jugé utile par 79 % des personnes interrogées.