La double vie des Seniors finlandais




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À partir de 2008 les
nombreux “papy-boomers” prendront leur retraite: 300.000 personnes
sur les sept années suivantes. Danger: la proportion de Finlandais sortant
du monde du travail dépassera celle des jeunes-”entrants”.
photo: Office de Tourisme de Finlande

Comme ailleurs en Europe, mais avant tous les autres pays, la
Finlande ayant connu le baby-boom dès 1944, le poids des inactifs pèsera
lourdement sur les épaules du contribuable. Innovateurs, politiques et
décideurs planchent sur une solution consistant à retenir quelques
années de plus les retraités à venir, repousser l’âge-limite
de la retraite de 63 à 65 ans, voire 68 ans.

Mais cette prolongation se faire volontairement et par incitation:
invités à reprendre du service, les seniors gagneront 4,5% de
points-retraite supplémentaires, cumulatifs, à partir de 63 ans.
Pour un retraité de 68 ans, cela correspond à 30% de pension de
plus par rapport à ce qu’il aurait perçu à 63 ans.
Ce n’est pas négligeable, mais l’appât du gain pourrait
passer au second plan.
Savoirs à transmettre


Quartier de Sörnainen, à Helsinki. A l’Académie de
théâtre – TEAK – Vesa Vierikko, acteur connu et professeur d’art
dramatique rappelle:
“Pour un étudiant-acteur il y a quinze points à connaître
sur notre métier. Pas un de plus. Et faire le tour de ces quinze point
pourrait prendre un quart d’heure seulement! Pourtant si nous faisons
travailler nos étudiants pendant cinq ans c’est qu’il existe
autre chose à assimiler: la maturité, se frotter à l’expérience
des anciens.”

Le passage de témoin d’une génération
à l’autre, la transmission de l’expérience à
TEAK s’effectue par un parrainage original avec un acteur senior prenant
sous son aile un jeune étudiant. “L’ancien suit le nouveau
pendant toute la durée de ses études, assiste à ses représentations,
lui donne des conseils, le complimente ou le critique. Notre métier repose
largement sur cette transmission du savoir des anciens à destination
des nouveaux”, signale Vesa Vierikko.

Exemplaire? “Le lien entre les générations?
Oui, nous voici au cœur du problème: si l’on veut que nos
travailleurs parvenus à l’âge de la retraite poursuivent
leur carrière, nous devons leur offrir des conditions de travail plus
agréables et surtout nettement plus valorisantes, comme de transmettre
son expérience à un nouvel arrivant ”, martèle le
professeur Juhani Ilmarinen, du Centre de Médecine du Travail de Finlande.
Importance du 4ème

Le professeur Ilmarinen est le père de tous les programmes
“”âge” mis en place dans les entreprises et administrations
finlandaises et destinés aux seniors désireux de rester actifs.
La soixantaine énergique, Juhanni Ilmarinen fait partie de ces “boomers”
heureux dans leur travail et n’ayant pas l’intention de se retirer
de si tôt. Il a écrit de nombreux ouvrages sur l’articulation
entre vie active et retraite et la gestion de cette phase-clé de l’existence.
Il a résumé le tout dans un schéma en forme de maison synthétisant
les variables déterminantes dans l’arrêt ou la poursuite
de l’activité professionnelle:

“Au rez-de-chaussée, j’ai placé la
santé et les capacités physiques car c’est la base de tout!
Sans la santé, inutile de songer à faire suivre le programme à
qui que ce soit”, explique-t-il.

Au-dessus, le premier étage de la maison est constitué
par les compétences professionnelles: “Plus ces compétences
sont adéquates et débouchent sur un travail agréable, plus
la personne sera favorablement disposée”. Le deuxième étage
comprend l’attitude et la motivation au travail: “C’est la
suite logique: si la personne est en bonne santé, possède les
compétences requises mais a perdu sa motivation en route, elle choisira
de partir à la retraite”, développe-t-il. L’étage
suivant, le troisième, plus concret, représente les conditions
de travail, les rapports hiérarchiques, les relations avec les collègues,
etc… :

“C’est sur ces points particuliers que nous pouvons
agir au mieux dans les programmes destinés aux entreprises: une personne
qui n’a pas de bons rapports avec ses collègues doit être
épaulée pour que sa situation s’améliore au plus
vite. Et si ça se passe mal avec les supérieurs, nous devons faire
évoluer ces derniers!”, conseille Juhanni Ilmarinen qui assure
que ce dernier point, lié aux rapports interpersonnels, offre justement
une bonne marge de progression.
Négociation-clé


Responsable du lancement du programme “seniors” aux Pont et Chaussées
d’Helsinki (HKR), Juha Nurmela, à la finlandaise, cultive la modestie:
“Dans un secteur professionnel où les employés accomplissent
le plus gros des travaux à l’extérieur et physiquement,
notre souci est de faire remonter l’âge moyen de la retraite (58
ans actuellement) en incitant nos préretraités à prolonger”,
affirme-t-il.

Dans les faubourgs d’Helsinki, à l’atelier
HKR de Toukola, Reijo Mattsson – 64 ans – directeur, entame la conversation
par une boutade: “Je pars en retraite l’été prochain
et, ce faisant, j’aurai rallongé ma carrière de 6 mois.
Vous avez devant vous le modèle idéal du parfait senior!”
N’empêche: son programme incitant les employés est sérieux
et réaliste: “Le groupe que nous devons viser en premier est celui
des 45-55 ans, car les plus de 55 ans ont travaillé dans les années
1960-70, à une époque où tout était plus dur et
ils aspirent à la retraite.

Actuellement nos tâches sont assistées par de multiples
équipements mécaniques et électriques et la forme physique
de nos personnels plus jeunes est bien meilleure”, dévoile-t-il.
Il confie que tout commence par une négociation l’année
précédant le départ légal à la retraite:
“La continuation de carrière doit être personnalisée,
faite sur mesures: si l’un de nos hommes désire avoir deux semaines
de temps libre supplémentaires à l’automne pour pêcher
ou partir aux champignons ou s’il désire deux semaines de plus
l’hiver pour partir aux Canaries, nous devons les lui accorder. Tout est
négociable chez nous!”, assure-t-il. Le programme lancé
par Juha Nurmela pour HKR inclut aussi la transmission des savoirs aux jeunes
générations et la participation régulière à
des stages de mise à niveau professionnel.
Atmosphère, atmosphère


Chef d’équipe à l’atelier “mécanique”
de Toukola, Esko Päiväpuro vient justement de sonder ses subalternes
dans la tranche d’âge 45-55 ans: “Avec mon équipe j’ai
des rapports de confiance facilitant mes entretiens avec eux. D’abord
nous discutons de leur état de santé et des adaptations qu’ils
aimeraient voir dans leurs horaires de travail: certains voudraient quatre journées
longues, de 9 heures au lieu de cinq normales de 7.30, par exemple. D’autres
veulent éviter certaines tâches considérées comme
désagréables”, raconte Esko Päiväpuro. Esko prend
sa mission très au sérieux:

“Pour moi, il s’agit de garder le contact avec mes
ouvriers, d’être constamment à leur écoute pour comprendre
les travaux qu’ils peuvent ou non réaliser”. Esko revient
sur l’adaptation du personnel et la mise en place d’un modèle
à donner aux autres entreprises:

“Nous sommes conscients que l’atmosphère
sur le lieu de travail, le style nouveau que nous nous efforçons de lancer
aura un impact énorme dans les deux ou trois années à venir.”
À l’atelier de Toukola de HKR, grâce à des aménagements
d’horaires à mi-temps Timo Hänninen, métallurgiste
de 61 ans, envisage de prolonger sa carrière. Leig Domke, charpentier,
64 ans, avoue, quant à lui, que la revalorisation de sa pension de retraite
motive son choix. Pour Bengt Lostedt, 56 ans, mécanicien, c’est
la valorisation de son expérience professionnelle qui compte.

Au départ, l’État finlandais subventionne
HKR à hauteur de 160.000 euros, la Ville d’Helsinki déboursant,
de son côté, 100.000 euros. Une vingtaine de sociétés
finlandaises se sont déjà engagées à suivre de tels
programmes “seniors”.
Retrouvailles


Établie à Rauma, sur la côte Ouest de la Finlande, l’entreprise
Oras, spécialisée dans la plomberie et le sanitaire, a lancé
un large programme destiné aux futurs seniors dès juin 1996. A
ce jour le club senior de la compagnie compte 186 membres, employés de
plus de 55 ans prêts à prolonger leur carrière. DRH d’Oras,
Merja Helkelä avoue que l’entreprise met l’accent sur la forme
physique:

“Nos plus de 55 ans sont suivis avec une attention particulière.
Sur place nous mettons à disposition de nos personnels un club de gym.
De plus il y a un terrain de sports à Oras. La Direction du personnel
conçoit régulièrement des événements ou des
sorties destinés aux membres d’Oras. L’entreprise a visiblement
décidé de se concentrer sur les rapports humains: “Nous
avons nommé des chefs d’équipe capables d’encourager
nos employés, non seulement pour accroître leurs savoir-faire au
sein de l’entreprise mais également pour développer les
forces de leurs personnalités et se rendre la vie plus agréable.
Pour ce faire les gens disposent s’ils le désirent d’un coach
particulier”, fait remarquer Merja Helkelä.

Entreprise-modèle, Oras se distingue par une volonté
de tenir compte des desiderata et soucis de son personnel: la communication
n’y est pas un vain mot et emails, intranet et TV-intérieure jouent
un rôle déterminant, la Finlande restant un des pays les plus en
pointe sur les NTIC. Ces nouvelles approchent finlandaises ont de quoi surprendre:
n’était-on pas en train de mépriser ou d’abandonner
les partages d’expérience entre anciennes et jeunes générations?
Plus que la revalorisation de la pension-retraite les projets “seniors”
initiés par le professeur Ilmarinen se distinguent par de salutaires
retrouvailles avec des valeurs humaines oubliées.

JP Frigo – info-finlande.fr

 

 


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