Pouvez-vous présenter votre concept « habitat pour tous » ? Il s’agit d’un habitat conçu et réalisé pour pouvoir s’adapter aux envies et aux besoins de ses occupants (et de ceux qu’ils ont plaisir à inviter chez eux) tout au long de leur vie. Concrètement c’est un habitat que je peux adapter à mes goûts et à ma culture; où je peux me sentir bien et en sécurité avec des enfants, avec une cheville foulée, en retour d’opération; où je peux accueillir sans problème mon ami avec son fils handicapé ou héberger ma grand-mère âgée pendant 1 mois.
Pourquoi cette idée ? Lorsque l’on voit l’évolution de la courbe démographique pour 2030 selon l’INSEE, la fameuse pyramide des âges devient un quasi-cylindre jusque vers 85 ans. Tant mieux ! Mais de la même façon que la conception de nos environnement de vie va être profondément modifié par la prise en compte de la raréfaction des énergies fossiles et du réchauffement climatique, elle devra aussi prendre en compte l’évolution des attentes d’un marché plus âgé.
Il est donc urgent d’en tenir compte lorsque l’on conçoit des bâtiments appelés à durer. Nous ne partageons pas l’idée qu’il faut construire des ensembles adaptés à chaque âge de la vie mais pensons qu’il faut imaginer et construire des ensembles conçus pour une bonne accessibilité de tous et facilement adaptables à l’évolution ponctuelle ou durable de nos besoins et aptitudes. C’est pour nous la vraie définition de l’habitat intelligent, un « habitat pour tous ».
Pourquoi à Saint-Étienne ? Saint-Étienne a l’ambition, autour de la « Cité du Design », de devenir une véritable capitale du design en s’appuyant sur l’ histoire créatrice de la ville basée sur la complémentarité « culture et industrie » et en imaginant l’évolution de nos systèmes de vie. Ce territoire est aussi réputé pour sa convivialité et sa prise en compte des différences (ville handisport). Le terreau est donc bien adapté à notre démarche.
Parler nous de vos initiatives lors de la Biennale du Design à
Saint Etienne ?
Il nous semblait intéressant de profiter de la Biennale internationale
du Design qui s’est déroulé à Saint-Étienne
en novembre 2006 (170 000 visiteurs) pour montrer que l’on pouvait facilement
concrétiser notre concept dès aujourd’hui. Avec Isabelle
Vérilhac, directrice du Pôle des Technologies Médicales,
et grâce à la confiance d’Elsa Frances, responsable de la
biennale et directrice de la Cité du Design, nous avons monté
un parcours « Design et Santé pour Tous ».
Il consistait à exposer des réalisations d’industriels et d’étudiants sur le thème de la santé et du handicap et dont l’approche « design » alliait accessibilité, confort d’usage et esthétique afin que ces réalisations ne soient pas stigmatisantes pour leur utilisateur.
Nous avons intégré dans ce parcours un appartement social, que nous avons conçu et aménagé dans l’esprit « habitat pour tous » pour montrer au grand public que notre concept n’avait rien d’utopique et pouvait être réalisé dès aujourd’hui en associant esthétique, accessibilité, confort pour tous et … économie. Les nombreux visiteurs sont repartis en ayant bien compris notre message mais aussi avec des idées pratiques pour chez eux et ce, quelque soit leur âge.
Le choix d’un appartement social (partenariat avec le Call PACT) tient au fait que les bailleurs sociaux sont très attentifs aux coûts d’adaptation dans la durée et que, lorsque l’on parle d’ « habitat pour tous », il ne faut pas occulter la déclinaison « pour tous les budgets ». La DDE, la Fondation Caisse d’Epargne, les Collectivités locales et de nombreux partenaires industriels ont accepté de nous accompagner dans cette démarche prouvant ainsi que notre préoccupation était aussi la leur.
Parlez nous du développement de Design Universel en France ? Pendant la Biennale nous avons également organisé une conférence sur le thème de l’Habitat pour Tous avec entre autres le Président Européen du réseau de « Design for all » et une consultante américaine en « Human Design », appellations qui couvrent peu ou prou le même objectif que celui porté par l’ « Universal design » dans lequel nous nous inscrivons parfaitement. Il est évident que la France est en retard
sur les autres nations en ce qui concerne le développement d’une
action structurée autour de la promotion du Design Universel.
Le Japon nous semble le pays où les acteurs économiques sont les plus impliqués. Pratiquement tous les pays développés mais aussi l’Inde ou le Brésil ont des réseaux de partage et de promotion du Design Universel, pas la France. La Commission Européenne a un programme « Europe pour tous » dans lequel la France est pratiquement absente et dont un groupe de travail vient d’éditer fin 2006 un manuel de recommandations « Construire pour tous ».
Ceci dit en France il existe déjà quelques acteurs et, au vu de la réaction des visiteurs de la biennale 2006, il doit être possible assez rapidement de créer une dynamique si on se donne les moyens de fédérer et d’animer tous les acteurs en respectant les enjeux de chacun.
Quelles sont vos prochaines étapes de votre projet ? Nous souhaitons justement élargir la liste de nos partenaires et nous appuyer sur la « Cité du Design » de Saint-Étienne pour créer cette dynamique et pour que la France devienne un acteur important du management de la créativité autour de la prise en compte d’un triptyque « Esthétique – Eco conception – Usage et accessibilité pour tous. ». Créer des quartiers exemplaires, disposer d’un laboratoire de nos environnements de vie où les industriels et les chercheurs pourraient concevoir et tester l’utilisabilité de leurs innovations par l’homme dans sa diversité,… telles sont nos pistes actuelles de réflexion pour la suite. Tous les partenaires potentiels sont les bienvenus !
Contact : bernard.laroche@wanadoo.fr