L’Europe fait face à un changement démographique sans précédent, caractérisé par un vieillissement majeur de la population. Trois facteurs sont à la base de ce changement :
– les faibles taux de natalité (la moyenne européenne est passée d’environ 2,5 en 1960 à 1,5 aujourd’hui) ;
– une longévité accrue (de 5 à 10 ans pour les deux sexes par rapport à 1960) ;
– les effets du baby-boom (les enfants du baby-boom feront partie de la population senior d’ici les quinze prochaines années).
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Les effets du vieillissement auront de profondes implications d’un point de vue socio-économique :
– un mode de consommation différent au niveau macro-économique (le passage à la retraite d’une grande partie de la population va relancer la consommation, quand ces retraités dépenseront le capital qu’ils ont épargné durant leur vie active) ;
– des dépenses publiques accrues (en raison des coûts liés au maintien des systèmes actuels de retraites et d’assurance maladie) ;
– les perspectives alarmantes concernant une future pénurie de main-d’oeuvre (due à la diminution de la population active).
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Pour faire face au double défi du financement des retraites et de la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée, nous devons concevoir une nouvelle approche de la gestion de notre population active. Dans ce contexte, il sera crucial d’augmenter le taux d’activité des seniors : cette piste est particulièrement importante car elle a un effet positif direct sur la solvabilité des systèmes de retraites et sur la capacité de production. Or les taux d’activité des seniors restent aujourd’hui très bas dans certains pays (environ 37 % en France, contre 70 % en Suède).
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Dans les pays comme la France, les pouvoir publics comme les entreprises privées ont conservé des représentations stéréotypées concernant le travail des seniors. Les pouvoirs publics ont en effet souvent considéré le vieillissement comme un règlement naturel du chômage, et ont ainsi stimulé les retraites précoces depuis une génération. Quant aux entreprises privées, elles pensent que les seniors ont une plus faible productivité et un coût supérieur aux employés plus jeunes. Elles ont en conséquence lancé des politiques de ressources humaines défavorables aux emplois seniors.
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Ces pratiques doivent changer et certains l’ont déjà compris : dans certains pays européens, les pouvoirs publics ont choisi d’augmenter le taux d’activité des seniors et ont réussi à mettre en oeuvre les réformes nécessaires – il y a parfois plus de quinze ans de cela.
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Quatre types de réformes ont été lancées dans les pays européens en question :
– des réformes administratives ;
– des incitations financières ;
– des campagnes visant à changer les mentalités ;
– ; ; ; ; ; ; ; ; ; l’amélioration des conditions de travail.
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Par ailleurs, il est clair à ce jour que ces différents types de réformes doivent être mises en place parallèlement : il est en effet peu probable qu’une réforme purement administrative soit efficace si elle n’est pas accompagnée d’un profond changement d’attitude envers les seniors – et vice versa. Les pouvoirs publics en Europe doivent aujourd’hui faire des choix sur la chronologie et l’importance relative à donner aux différents types de réforme, prenant en compte le contexte social, économique et institutionnel local.
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Ce n’est qu’à la suite de telles réformes que nous pourrons commencer à faire face au choc démographique : il est donc grand temps d’agir.
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Réformes administratives
Abolir les retraites précoces : supprimer toutes les taxes favorables aux systèmes de préretraites (Pays-Bas), augmenter l’âge de la retraite dans le secteur public et privé (de 65 à 67 ans en Allemagne, et de 60 à 65 ans pour les retraites publiques au Royaume-Uni), augmenter le nombre minimum d’années de cotisation pour l’accès à la retraite (de 37 années et demi à 40 années en France), réduire le montant de la retraite pour chaque année de retraite précoce (de 6 % à 8 % par an en Espagne), encourager la participation dans des systèmes de retraites dits « de capitalisation » par des incitations financières ou des réductions devtaxes (Allemagne et Espagne).
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Restreindre les possibilités de préretraites cachées : réformer les systèmes d’assurance invalidité (Pays-Bas), notamment en rendant l’accès aux bénéfices plus difficiles et en rendant les audits plus sévères (25 % des personnes réexaminées au Pays-Bas ont étés dépourvues de leurs bénéfices et ont étés obligées de retourner au travail) ; réinstaurer l’obligation de la recherche d’emploi pour pouvoir bénéficier des allocations chômage (Pays-Bas).
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Éliminer toute politique discriminatoire : introduire une loi interdisant toute forme de discrimination liée à l’âge. En pratique, ceci signifie notamment que les offres d’emploi ne peuvent plus contenir de mention d’âge (Pays-Bas).
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Créer des régulations flexibles du travail : la France a créé un nouveau contrat à durée déterminée, spécifiquement conçu pour les seniors (plus de 59 ans). Ce contrat rend possible l’embauche d’un senior pour une période plus courte que dans les CDD ordinaires (12 mois au lieu de 18), et ce type de contrat est renouvelable trois fois (au lieux de deux pour les CDD ordinaires).
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Faciliter le cumul emploi-retraite : faire en sorte qu’aucune restriction n’existe pour le cumul emploiretraite après l’âge officiel de la retraite (Suède).
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Incitations financières
Introduire des incitations financières pour les travailleurs seniors : augmenter le montant de la retraite pour les départs différés (jusqu’à 40 % supplémentaires pour ceux qui choisissent de prendre leur retraite après 65 ans en Finlande, et jusqu’à 52 % en Suède), réduire les taux de taxes (Pays-Bas) ou encore proposer des versements financiers périodiques pour les travailleurs seniors (Royaume-Uni).
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Introduire des incitations financières pour les employeurs : réduire les charges d’assurance maladie pour chaque employé de plus de 55 ans qui aura été embauché (Pays-Bas), réduire les charges sociales de 50 % au moment de l’embauche d’un senior de plus de 60 ans (Espagne), exemption de toutes charges sociales pour l’embauche d’un senior de plus de 65 ans (Pays-Bas et Espagne), et finalement attribuer ces privilèges non seulement aux employeurs au sens traditionnel du terme, mais aussi aux travailleurs indépendants (Espagne).
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Faire évoluer les mentalités
Changer les attitudes au sein de la société : lancer une campagne de promotion au niveau national (télévision et radio) pour promouvoir la position des seniors dans la société (Finlande), créer des organisations non gouvernementales pour assurer une promotion et une revalorisation conséquente de la position des seniors à long terme (Royaume-Uni et Pays-Bas).
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Changer les attitudes des employeurs : lancer des programmes de promotion spécifiquement adressés aux employeurs (en tant que créateurs d’emplois) ; ces programmes consistent à informer d’une manière détaillée des bénéfices pour l’entreprise d’un employé senior (Suède, Pays-Bas et Royaume-Uni).
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Amélioration des conditions de travail
Stimuler l’apprentissage à tous les âges : lancer de nombreux programmes d’éducation et d’apprentissage à plusieurs niveaux (diplômes primaires et secondaires pour adultes, cours de langue, apprentissage spécifique pour changer de métier – Suède) et supprimer l’âge maximal pour l’adhésion à de tels programmes (Finlande).
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Réorganiser les espaces de travail : fonder un institut national de recherche dans le domaine de l’ergonomie (Suède) et introduire des programmes pour la réorganisation des espaces de travail en démarquant clairement la responsabilité des entreprises dans ce domaine (Suède).
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