L’enjeu délicat de la population

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La question de la démographie soulève facilement les passions. Aucun sujet traité par L’État de la planète récemment n’a conduit autant de gens à s’asseoir pour rédiger à toute allure une lettre bien sentie. À une époque cette passion était très répandue ; l’enjeu de la démographie apparaissait comme le plus urgent dans les années 1970. Mais cette question a disparu des conversations et les médias en font à peine état aujourd’hui. Que s’est-il passé ?


Source : www.delaplanete.org


La perspective « néo-malthusienne » de la fin des années 1960 et des années 1970 s’ancrait dans le postulat que la quantité de terres productrices d’aliments et d’autres ressources est fixe tandis que le nombre de personnes croît de manière géométrique. Le nombre de personnes et la croissance annuelle importante, ajoutés à des taux de fertilité élevés, justifiaient à eux seuls cette inquiétude. Malheureusement deux livres – La bombe P (The population bomb) de Paul Ehrlich, et Halte à la croissance ! (traduction sensationnaliste du titre original The limits to growth, rapport publié par le Club de Rome) – qui eurent un large écho, furent par la suite attaqués comme de fausses alarmes et la question fut marginalisée. Mais la croissance de la population mondiale est toujours de 70 millions de personnes par année et la population a doublé ou triplé depuis la naissance de bon nombre de nos lecteurs.


Dans les années 1980, les experts ont pris conscience que le problème ne se situait pas uniquement au niveau des chiffres mais également au niveau de la consommation : un nouveau-né aux États-Unis ou en Europe représente pour la Terre un poids supérieur à toute une jeune famille en Inde. Il fut également reconnu que la fertilité humaine est étroitement liée aux conditions économiques et sociales dans lesquelles vivent les gens. Là où les possibilités pour les femmes d’accéder à l’éducation et à l’emploi sont limitées, la population est plus difficile à stabiliser. Ces observations ainsi que d’autres questions controversées ont fait des études démographiques la plus volatile des disciplines.


La plupart des gens demeurent peu conscients des implications de la croissance démographique, mais quelques-uns uns tentent de sensibiliser les dirigeants politiques à une palette de problématiques proches : l’immigration, les droits liés à la reproduction, la santé publique, la décimation des forêts et d’autres ressources, la diminution de la qualité de la vie, etc. Ce numéro spécial est notre contribution – très attendue, à en croire de nombreux lecteurs – à un état des lieux de la problématique démographique mondiale. L’objectif est de faire face à la croissance inévitable de la population et à la nécessité d’une stabilisation rapide. Nous souhaitons également présenter les initiatives que chacun peut prendre pour contribuer à atteindre ces objectifs et pour minimiser son propre impact sur la planète.


Bien que ce numéro soit plus volumineux qu’à l’ordinaire, il sera insuffisant. La question démographique implique tant de domaines et tant de sujets aux multiples facettes, chacun d’entre eux faisant l’objet de débats, que de nombreux volumes seraient nécessaires pour en parler de manière complète. Nous avons tenté ici d’offrir une sélection d’essais propres à relancer le débat sur un certain nombre de questions centrales. Nous commençons avec une vue générale de Danielle Nierenberg, chercheuse associée à l’Institut Worldwatch, qui décrit les tendances démographiques et les opinions actuelles sur les politiques à adopter – dont plusieurs sont axées sur la santé publique et l’amélioration de la situation des femmes – pour promouvoir la réduction des niveaux de reproduction. Chercheuse associée à Worldwatch, Lisa Mastny fait le point sur les « poussées de jeunesse » (youth bulges) dans certains pays en développement tandis que le scientifique David Pimentel, spécialiste de l’agriculture, examine les pressions qu’exercent les tendances démographiques dans le domaine de l’énergie, des terres arables et de la production agricole. Théoricienne des questions liées aux populations, Virginia Abernethy présente ensuite ses hypothèses selon lesquelles la hausse des prix de l’énergie pourrait contribuer à contenir la croissance des populations.


Suivent trois regards instantanés sur des enjeux spécifiques : Claudia Meulenberg nous fait part de son analyse de la Chine vingt-cinq ans après le lancement de sa politique de l’enfant unique. Le Dr Fred Sai, un physicien du Ghana, nous fait part de son regard depuis l’Afrique et Roger-Mark De Souza décrit un projet impliquant à la fois la question démographique et l’environnement aux Philippines. La manière dont les populations se déplacent dans un monde globalisé est par ailleurs présentée par l’économiste Herman Daly. Puis un second trio d’auteurs – l’économiste Robert Ayres, la démographe Martha Farnsworth Riche et le sociologue Lincoln Day – examinent les implications du vieillissement des populations (résultat inexorable de la stabilisation démographique). Un essai de conclusion par l’anthropologue J. Kenneth Smail présente les démarches nécessaires à long terme afin d’assurer une réduction des populations à des niveaux qui permettent aux économies d’être viables.


Nous souhaitons remercier les auteurs qui ont contribué à ce numéro tout comme le Fonds des Nations Unies pour la population et les donateurs qui ont répondu positivement à notre appel pour ce numéro spécial. Leur générosité nous a permis d’explorer dans ce numéro spécial un certain nombre des sujets fondamentaux liés à la démographie.


 


Source : www.delaplanete.org


 


 


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