Le groupe CBRE qui vient de réaliser une étude sur les résidences Services Seniors décrypte le marché et les enjeux des résidences de services séniors (RSS) au vue des prévisions démographiques qui estiment une augmentation de 2 millions de séniors autonomes (entre 75 et 84 ans) d’ici 2030.
Qu’est-ce qu’une Résidence Services Séniors ?
Mal connues et souvent assimilées à des maisons de retraite médicalisées, les Résidences Services Séniors s’adressent pourtant à un public tout à fait différent. Les premières prennent en charge des personnes dépendantes, qui ne sont plus capables de vivre à leur domicile seule. Les secondes se posent comme une alternative au logement traditionnel pour des séniors valides et autonomes mais fragilisés par l’isolement, la perte de dynamisme. Leur cible : le sénior entre 75 ans et 84 ans, plutôt une femme, confrontée à la perte de son conjoint, qui cherche à retrouver de la convivialité, un logement adapté à son âge et à bénéficier de services lui facilitant le maintien à domicile. L’intérêt de la RSS, c’est de répondre à cette demande à un coût moindre que celui des aides à domicile, grâce à la mutualisation des services proposés, tout en favorisant la socialisation et donc le bienêtre de la personne.
Il est essentiel de garder à l’esprit que la grande majorité des séniors cibles est issue de catégories sociales moyennes et perçoit des retraites mensuelles entre 1 500 et 2 000 euros.
Les niveaux de loyers proposés doivent en tenir compte : il existe donc plusieurs gammes de Résidences Services Séniors, qui ne se destinent pas à la même clientèle et ne proposent pas le même panel d’équipements et d’offres de services.
Parallèlement, les opérateurs développent des stratégies différenciées en matière d’externalisation de la réalisation des services, et donc du personnel associé, et de packaging d’offres :
– Proposer un forfait de base incluant un nombre de services non individualisables minimum et recourir à des prestataires extérieurs afin d’offrir un positionnement attractif en termes de prix d’appel.
– Proposer un loyer packagé plus étoffé en matière de prestations et les internaliser d’avantage afin d’assurer un meilleur contrôle de leur qualité.
Quoi qu’il en soit, le positionnement retenu par l’exploitant impacte directement la configuration du produit immobilier et influe sur sa localisation. Ainsi, la montée en gamme se traduit inévitablement par un dimensionnement accru des espaces communs, qui peuvent représenter jusqu’à 15 % des surfaces totales. Ce qui, pour amortir les coûts fixes en personnel et équipements, induit une taille critique plus élevée.
Les résidences les plus importantes regroupent plus d’une centaine d’appartements, quand les plus petites n’en comptent qu’une dizaine. En matière de localisation, l’hyper centre-ville – privilégié par les résidences les plus haut de gamme – n’est pas une nécessité. Notamment dans les grandes métropoles, où elle est souvent difficilement compatible avec les prix de sortie et la disponibilité du foncier, ce qui oblige à regarder des emplacements alternatifs. Mais il convient d’être très sélectif pour les localisations périphériques, la qualité de l’environnement et du cadre de vie, notamment dans sa dimension sécurité et proximité des commerces, représentant un élément essentiel de la réussite auprès d’une clientèle aussi exigeante en la matière que les personnes âgées.
Un marché étroit, mais en plein développement
Les chiffres sont clairs : d’après Xerfi, sur les 115 exploitants que compte le marché français, seuls 33 gèrent plus de deux résidences. Le leader du secteur, Domitys, représentait à lui seul fin 2016 près de 16 % du total des logements existants en RSS, les 5 premiers opérateurs se partagent plus de 40 % de l’offre…
Historiquement, le produit a été imaginé par les promoteurs à la recherche de relais de croissance et de leviers de diversification. Mais bien concevoir une Résidence Services Séniors, seul gage de sa commercialisation auprès d’un opérateur et donc de la réussite de l’opération de développement, nécessite une pleine compréhension du métier d’exploitant. C’est particulièrement vrai quand la cible de clientèle est constituée de personnes âgées pour qui la dimension sécurité et qualité des prestations constitue un facteur de sélectivité essentiel. Face à ces enjeux de maîtrise de compétences, avec des métiers très éloignés des strictes problématiques immobilières, les promoteurs ont donc noué des partenariats, réalisé des opérations de croissance externe avec des spécialistes du secteur ou, plus rarement, développé en interne des lignes de métiers spécifiques.
De leur côté, certains opérateurs historiques du secteur des services (services à la personne mais aussi tourisme et loisirs) ont choisi de développer leurs propres résidences pour s’assurer de leur qualité, en internalisant la construction ou en la faisant réaliser via des contrats de promotion. Le modèle dominant aujourd’hui, c’est l’entreprise exploitante/ gestionnaire spécialisée, portée par un grand groupe de promotion généraliste. Une configuration qui permet de combiner l’intensité capitalistique nécessaire pour assurer le portage des opérations dans les premières années de montée en puissance de l’exploitation et maîtrise des savoirfaire et concepts de services. Malgré les perspectives de développement importantes du secteur et la multiplication des petits acteurs qui s’ensuit, les barrières à l’entrée restent donc réelles et le secteur est aujourd’hui très concentré.
La qualité de l’exploitation et de l’exploitant, c’est ce qui fait la valeur d’une RSS
Comme dans toutes les autres classes d’actifs dits alternatifs, c’est la capacité de l’exploitant à assurer la pérennité de son activité et à dégager des marges suffisantes pour payer son loyer à l’investisseur qui fait la valeur réelle d’une RSS. La notion de taux d’effort est donc essentielle : que représente le loyer versé par l’exploitant comparativement à son chiffre d’affaires ou à son EBITDAR ? Par ailleurs, comme le rappelle Abdallah Ould Brahim, Directeur du Pôle Conseil, CBRE Valuation&Advisory : « il est essentiel de regarder de près comment se décompose le chiffre d’affaires de l’exploitant, dont le métier est lui aussi d’héberger et de percevoir des loyers, mais aussi d’assurer des services et de les facturer.
Quelle est la répartition du CA généré entre la partie loyers et la partie services ? Le niveau du loyer versé par l’exploitant à l’investisseur est-il en phase avec celui des loyers perçus des résidents ? Chez CBRE, nous disposons désormais d’une véritable expertise qui nous permet d’apprécier si ces différents ratios reflètent une exploitation saine et tenable, seule garante d’une valorisation dans le temps d’une RSS ».
Le calcul de ces ratios permet donc de mesurer la solidité de l’exploitation d’un actif en fonctionnement, dans le cadre de la réalisation d’une expertise notamment. Il permet également, pour un investisseur qui souhaite s’exposer sur le créneau de la RSS, de déterminer si les hypothèses qui sous-tendent le business plan d’une résidence en développement est crédible.
Car, rappelons-le, le marché de l’investissement en bloc se limite actuellement aux VEFA. Dans cette optique, il est également essentiel pour un investisseur de s’interroger sur la solidité financière du gestionnaire/locataire. En effet, la montée en puissance de l’exploitation et la durée de remplissage d’une résidence tourne habituellement autour de 2-3 ans. Durant cette période, le gestionnaire doit pouvoir assurer le paiement de son loyer à l’investisseur sans pour autant percevoir l’intégralité de ses revenus attendus (loyers et facturation des services consommés par les résidents). Généralement, ce sont les résidences en fonctionnement qui fournissent les besoins en fonds de roulement des résidences en remplissage.
Par ailleurs, la qualité de la signature de la caution du bail, généralement la maison mère de l’exploitant, constitue un gage de sécurité indéniable. Enfin, dans une logique de développement d’un partenariat long terme, contracter avec un exploitant disposant d’un pipeline de développements significatif constitue un atout non négligeable, sur un marché où l’offre est aujourd’hui limitée. Autant de raisons qui expliquent que les investisseurs institutionnels se tournent de façon privilégiée vers les acteurs intégrés et les gestionnaires les plus solides financièrement.
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