Link Care Services, entreprise labellisée BPI France Excellence, qui développe des solutions issues de l’Internet des Objets dédiées au mieux vieillir poursuit sa croissance et envisage de devenir un acteur important de la Silver économie. Interview de Pascal Brunelet, le PDG.
Pouvez-vous présenter Link Care Service ?
Link Care Services est une entreprise qui a été créé il y a huit ans que j’ai repris il y a un peu moins de deux ans en lui faisant opérer un virage à 360 degrés par rapport aux produits et aux services qu’elle commercialisait précédemment.
Link Care Services était reconnue pour son système de détection de chute, appelé Edao qui se basait sur un système de vidéo vigilance à destination d’un secteur btob (notamment établissements pour personnes âgées) dans les chambres des résidents.
C’est un produit qui a eu un certain succès et je pense que c’est le seul produit qui a suivi un PHRC (programme hospitalier de recherche clinique) pour en définir les valeurs médico-économiques et médicales. C’est un produit qui était très intéressant, mais qui ne répondait pas pleinement aux problématiques des établissements des personnes âgées et des aidants qu’ils soient familiaux ou professionnels des personnes à domicile.
Auparavant, j’ai été le directeur général adjoint du groupe de maisons de retraite Colisée. Et dans mes fonctions, mes principales craintes étaient triples et concernaient les chutes potentielles des résidents : les chutes peuvent arriver dans les chambres, mais aussi dans l’ensemble de l’établissement et même dans des endroits où on ne s’y attend pas forcément par exemple dans un escalier de secours ou dans un couloir technique par exemple. Ainsi, je cherchais un système qui pouvait répondre à cette problématique de chute mais également au problème de toutes les chutes.
En effet, pour entrer dans le détail, les personnes âgées peuvent chuter – c’est une évidence – mais la problématique principale n’est pas “vraiment” la chute, mais le temps qu’une personne âgée reste par terre après la chute tout en essayant de se relever sans y parvenir. Ces situations peuvent générer des pathologies très importantes par la suite et des décès dans les six à huit mois sont beaucoup plus fréquemment.
Il existe deux types de chute : la chute brutale qui concerne 20 % à 25 % des Seniors. Il s’agit de la chute brutale qui nécessite une certaine mobilité et une certaine vélocité. C’est une chute que nous pouvons tous faire en heurtant un objet par terre. Par contre, dans 70 à 75 % des cas ce sont des chutes molles qui concernent les personnes âgées. Ce type de chute arrive doucement par exemple lorsque la personne âgée glisse doucement par terre depuis son fauteuil ou un mur. Ces chutes sont extrêmement difficiles et compliquées à détecter de manière automatique. Les accéléromètres que l’on trouve dans les pendentifs ou dans les bracelets ou colliers ne sont pas assez efficaces pour ce type de chute.
La deuxième problématique que j’ai rencontrée en tant que directeur adjoint de Colisée était le problème d’errance. Il se peut par exemple qu’une personne atteinte d’un trouble cognitif puisse se déplacer et sortir de la zone autorisée. Ensuite, il peut se passer plusieurs minutes voire, quelquefois, plusieurs heures pour que le personnel parviennent à la retrouver. C’est une angoisse permanente pour tous les professionnels des établissements pour personnes âgées et le personnel.
La troisième importante difficulté pour un dirigeant d’un établissement pour personnes âgées, qui n’est pas souvent expliquée, est qu’un résident puisse entrer dans une zone qui ne lui est pas autorisée. C’est différent de l’errance. Par exemple, c’est le cas d’une personne âgée, atteinte de troubles cognitifs qui entre dans une chambre pensant que c’est la sienne et qui va se coucher dans son lit pour s’apercevoir qu’il y a déjà quelqu’un. Cela peut se finir généralement très souvent par des coups entre les personnes âgées et des hospitalisations. Bien sûr, ces situations sont rares, mais elles existent. Ce sont des situations angoissantes permanentes pour tous les soignants d’un établissement.
Vous avez développé un système pour cela.
Oui, notre idée était qu’il fallait pouvoir concevoir un produit avec un seul objet, sans avoir à porter un médaillon, collier ou montre et qui puisse répondre avec exhaustivité à tous ces challenges tout en étant non stigmatisant et bien sûr très efficaces.
Une des grandes forces de Link Care Services est de posséder notre propre service de recherches et développements, qui, après deux ans de travail, a mis au point ce système qui s’appelle Selp.
C’est un dispositif du “monde de l’internet des objets” qui mesure environ 4 cm sur 4 cm sur moins de 3 mm d’épaisseur et qui ne pèse que 8 grammes. Selp est porté, 24 heures sur 24, par la personne âgée à même la peau sous les vêtements donc non stigmatisant. Il permet de détecter à tout moment les situations à risque sur les trois problématiques que j’ai décrites plus haut. Par exemple, il permet de détecter les chutes même molles et cela a été très difficile à mettre au point et à développer.
Il décèle les sorties d’une zone autorisée -qui peut bien sûr différer entre les personnes âgées. Une zone autorisée peut être différente en fonction des heures de la journée pour permettre à une personne âgée que pouvoir sortir dans le jardin la journée et l’en empêcher la nuit). En cas de soucis, une alerte est diffusée sur n’importe quel device (tablette, smartphone ou autres systèmes).
Selp permet de pallier ces trois problématiques. De plus, il permet de respecter le décret qui vient d’être publié en décembre qui impose au gestionnaire d’un établissement pour personnes âgées de préciser par avenant la manière avec laquelle il va gérer la liberté d’aller et venir des résidents tout en garantissant leur sécurité. Ainsi, Selp permet de répondre à l’ensemble des obligations de ce nouveau décret.
Nous sommes très fiers de ce produit puisqu’il n’y a pas d’équivalent en Europe et nous avons déposé un brevet. Il est labellisé ‘French tech’ donc il rentre dans la logique de création de valeur dont j’ai expliqué dans un autre interview sur votre média. Avoir le label French tech est très important, car l’excellence française en matière d’innovation est très fortement reconnue dans de nombreux pays et notamment en Asie. Ces pays reconnaissent notre savoir-faire mais également notre technicité liée aux problématiques de l’avancée en âge et de la transition démographique.
Si nous parvenons d’une manière intelligente à fédérer la Silver économie et à partir à l’export, Il n’y a aucune raison que la croissance que nous réclamons à corps et à cris depuis plusieurs années, ne prenne pas sa source dans la Silver économie au moins en partie.
Comment Selp est-il commercialisé ?
Selp est commercialisé depuis très peu de temps puisque nous avons commencé sa commercialisation au 1er juin de cette année par les canaux classiques et essentiellement en direction du BtoB. La version BtoC sera commercialisée en début d’année prochaine, car il y a des adaptations à faire sur le produit sur lequel nous travaillons ardemment en terme d’actimétrie.
En effet, nous nous orientons vers la notion d’actimétrie pour pouvoir répondre aux problématiques des personnes qui vivent seules à leur domicile. Nous nous orientons ici, davantage vers la prévention et par exemple la détection en amont des glissements d’une personne âgée ou même la prédiction un accident vasculaire. L’important challenge est de travailler sur les bons algorithmes et les bons programmes pour collecter et analyser les données très fines qui nous permettent de détecter un début de problème.
C’est cette notion d’activités et d’analyses des données qui est phénoménal et qui offre des possibilités importantes que nous voulons affiner pour proposer notre produit aux personnes à domicile en 2018.
Vous venez de lever 800.000 euros.
Effectivement, nous venons de réaliser une levée de fonds de 800.00 euros auprès de BPI France, Isources et Siparex.
Parmi les objectifs de la levée de fonds, nous voulons accélérer l’industrialisation et la commercialisation de Selp et conquérir les marchés européens : Benelux, Espagne, Italie et Allemagne.