Depuis quelques années, certains Ehpad font l’objet de critiques de la part d’une partie de la population, visibles sur les réseaux sociaux et dans les médias.
Nous nous souvenons, par exemple, de l’émission Envoyé Spécial sur ce sujet ou encore Médiapart.
Avec la crise du Codiv-19 et le nombre de morts dans les Ehpad, les critiques sont reparties de plus belle, accusant certains Ehpad de ne pas en faire assez pour protéger les salariés et les résidents.
Voici des exemples de critiques.
Des Ehpad « cachent le nombre de malades et de morts. Et n’ont pas correctement protégé leurs pensionnaires. »
Accusation d’« insuffisance de soins, non respect des contrats signés, surfacturation de prestations minorées, etc ? »
« Tant que l’argent sera la priorité, l’humain ne pourra pas l’être… »
À quel point, qu’une pétition a été lancée, il y a quelques jours, pour dénoncer les critiques, mais aussi exiger des “égards pour nos résidents et leurs familles et de demander le respect que nous méritons”.
Personnellement, j’ai signé cette pétition.
Certains vont critiquer les Ehpad de ne pas en faire assez, en pointant les quelques dysfonctionnements et d’autres vont (ont) inventer le concept d’Ephad Bashing pour tenter d’éteindre les incendies. Si tant est, qu’il y ait vraiment, un incendie.
- Alors, comment se fait-il, qu’il y ait autant de débats sur ce secteur d’activité ?
- Pourquoi autant d’incompréhensions entre les différentes parties ?
- Est-il possible de comprendre les différents points de vue, des différentes parties ?
Pour répondre à cette question, il faut connaître plusieurs concepts de la psychologie, mais aussi de la communication et de la rhétorique.
L’étude des fourmis
Dans les années 70, des chercheurs américains ont étudié les fourmis. Ils pensaient que les fourmis étaient bien organisées et que chacune des fourmis était disciplinée.
Alors, les chercheurs, ont pris des fourmis et les ont observées.
Et, contrairement à ce que nous pouvions penser, 10% des fourmis “mettaient le bordel” (comme diraient certains).
Autrement dit, 10% des fourmis ne respectaient pas les règles de la “communauté”.
Alors, les chercheurs ont identifié ces 10% de fourmis, qui ne respectaient pas les règles et les ont enlevées.
Ainsi, il ne restait que les 90% qui respectaient les règles.
Mais là, stupéfaction :
Ils ont observé que 10 % de ces 90 % se sont mises à ne pas respecter les règles !
Autrement dit, une partie des fourmis qui respectaient les règles jusqu’alors, se sont mises à ne pas respecter les règles.
Les chercheurs ont conclu que pour qu’une société soit équilibrée, il fallait qu’environ 10 % de ses membres, se comportent de manière inadéquate (ou en tout cas, de manière différente des 90 % autres).
Le biais de confirmation d’hypothèse
Le biais de confirmation, également dénommé biais de confirmation d’hypothèse, est le biais cognitif qui consiste à privilégier les informations confirmant ses idées préconçues ou ses hypothèses et/ou à accorder moins de poids aux hypothèses et informations jouant en défaveur de ses conceptions.
Ce biais se manifeste chez un individu lorsqu’il rassemble des éléments ou se rappelle des informations mémorisées, de manière sélective, les interprétant d’une manière biaisée.
Dans notre cas présent, ceux qui sont persuadés que les Ehpad ne respectent pas les seniors, vont trouver des exemples qui vont asseoir leur croyance. Pour ensuite, dire “je te l’avais dit”.
C’est-à-dire, qu’ils vont enfiler des perles à un collier : chaque perle est un exemple qui ira dans leur sens.
Au final, au fur à mesure, que le collier s’allonge, que le nombre de perles augmente, la personne sera de plus en plus convaincue.
Les adversaires vont se convaincre, en prenant des exemples très précis, du respect des Ehpad envers les résidents. Ils vont identifier, seulement les éléments positifs, pour faire un collier spécial avec une croyance qui va dire “les Ehpad respectent les résidents”.
Le Métamodèle Linguistique
La PNL (Programmation Neuro Linguistique) parle de mécanismes, Omission, Généralisation, Distorsion (OGD)
- Une généralisation est l’extrapolation intempestive d’une vérité concernant une partie d’une certaine population à l’ensemble de celle-ci.
- On parle d’omission quand soit par ignorance soit par manipulation consciente de certaines données d’un énoncé afin de proposer une solution fausse qui semble marcher.
- Les distorsions, quant à elles, sont des retraitements abusifs d’informations afin de leur donner un sens différent de celui qu’elles expriment.
Si nous ramenons ce concept à notre sujet, ceux qui critiquent les Ehpad, vont prendre les quelques exemples actuellement problématiques, pour en faire une généralisation et ainsi dire que l’ensemble des Ehpad sont à cette image.
Autrement dit, ils vont généraliser les comportementes d’une minorité, pour accuser l’ensemble de la majorité.
A l’autre extrême, vous avez les personnes, qui ne vont parler que des effets positifs, concernant les Ehpad et vont passer sous silence, les difficultés.
Un peu l’idée “circulez, il n’y a rien à voir. C’est une stratégie d’omission.
L’argument ad hominem
L’argument ad hominem ou argumentum ad hominem est une stratégie qui consiste à opposer à un adversaire ses propres paroles ou ses propres actes. Il s’agit de discréditer la personne plutôt que la position qu’elle défend.
Untel défend telle position. Or Untel n’est pas crédible (pour des raisons liées à ses paroles, à ses actes) quand il affirme cette position. Donc cette position est fausse.
C’est dans ce cadre, que peut entrer la stratégie qui a consisté à inventer le terme de “Ehpad bashing”.
Tu fais de l’Ehpad bashing
C’est-à-dire qu’au lieu de parler des quelques cas qui posent des difficultés et de parler également de la majorité qui se déroule parfaitement bien, on ne parle pas du fond, on va dénigrer la personne, qui est en face, en lui disant qu’elle fait de l’Ehpad bashing.
Les hommes politiques, excellent dans cette stratégie.
Aux Usa, pour dénigrer un adversaire politique de gauche, il “suffit” de le traiter de communiste pour couper court à la conversation. De même en France, il suffit de qualifier une personne de droite, d’extrême droite, pour couper court à la conversation et discréditer “l’adversaire”.
Les stratégies d’intimidation
Les stratégies d’intimidation, sont très répandues dans les pays comme le nôtre, plus ou moins visibles, plus ou moins déclarées.
Il s’agit, tout simplement, de générer une peur chez celui qui a une opinion, pour qu’il cesse de l’exprimer et fasse ce que l’on veut.
C’est par exemple des menaces de procès, lettres d’avocats, etc.
Les stratégies d’intimidation ont pour but, notamment, de faire stopper les critiques.
La stratégie du silence
Cette stratégie consiste à faire le mort.
L’idée est souvent de penser comme ceci :
Il y a tellement d’informations qui se succèdent les unes aux autres, que dans quelques semaines ou quelques mois, nous aurons tout oublié.
Thierry Libaert dans l’une de ses nombreuses publications consacrées à ce sujet, le silence peut aussi relever d’un « pari sur la faible durée de la pression médiatique ». » (Thierry Libaert, La communication de crise (3ème édition), Col. Les Topos, Eds Dunod, Paris, 2010)
La difficulté de cette stratégie dans le cadre du secteur des Ehpad, est que ce secteur fait, en lui-même peur, car c’est souvent le dernier lieu d’habitation.
Il est relativement facile pour une entreprise d’utiliser la stratégie du silence, lorsqu’il y a un dysfonctionnement ponctuel, dans un secteur d’activité qui est jugé positivement ou neutre.
Par contre, dans des secteurs comme celui des Ehpad, la stratégie du silence est probablement, plus difficile à maîtriser.
La volonté (nécessité) des médias de faire de l’audimat
Nous le savons, chaque média doit faire une audience la plus importante possible pour pouvoir “vivre” financièrement via les abonnements, achats, publicité, etc.
Ainsi, les médias ont intérêt à choisir des angles particuliers, qui font le plus vendre, le plus lire, le plus écouter, le plus regarder, etc.
Or, les études ont montré, que la peur et la colère, sont les émotions les plus puissantes pour attirer un lecteur ou un téléspectateur et faire en sorte de l’accrocher sur le long terme.
C’est pour cela notamment, que beaucoup de reportages sur les Ehpad, prennent un axe jugé négatif, basé sur la colère, la peur, l’injustice, l’incompréhension, etc. de façon à faire des audiences importantes.
S’il y avait un reportage, de la même durée, sur les points positifs (et ils sont nombreux) du secteur des Ehpad, nous pouvons parier que ce reportage, aurait moins d’audience et donc moins de publicité.
Ainsi…
La grande majorité les salariés les Ehpad, subit, les projecteurs mis sur les quelques cas critiques.
Ces situations ne sont pas prêtes de s’arrêter.