Près de 800 000 personnes majeures sont placées sous mesure de protection juridique en France, car elles ne sont plus en mesure de défendre leurs intérêts notamment financiers pour cause de handicap, accident, maladie ou vieillesse. Plus de la moitié (483 000) sont prises en charge par des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM), les autres étant accompagnées par leurs familles par le biais de différents types de protections curatelle, tutelle, sauvegarde de justice, habilitation familiale. Certains aidants gèrent aussi les finances de leur proche, sans qu’aucun statut ne leur soit reconnu. Dans ce contexte, le Groupe APICIL a lancé en 2019 un observatoire portant sur la gestion des finances et du patrimoine des personnes dépendantes, en partenariat avec le groupe BVA, dont les résultats de la troisième édition sont présentés aujourd’hui.
- 63 % des aidants patrimoniaux et 51 % des mandataires professionnels gèrent moins de 100 000€ par personne et par an
- l’assurance-vie, les livrets A, jeune et d’épargne populaire sont les placements privilégiés
- les aidants patrimoniaux et mandataires professionnels estiment pouvoir faire face à leurs responsabilités d’accompagnement financier
- une gestion de l’épargne « au plus simple », caractérisée par un évitement du risque et des placements basiques pour les professionnels comme pour les particuliers
- un besoin d’une meilleure reconnaissance sociétale du rôle d’accompagnant financier
Des accompagnants financiers assez confiants dans leur rôle, mais qui éprouvent néanmoins des difficultés au quotidien
Le rôle d’accompagnant financier au service de personnes dépendantes revêt une dimension morale pour les particuliers : les aidants patrimoniaux perçoivent, en effet, leur rôle au quotidien avant tout comme un devoir et plus fortement qu’en 2020 (62 %, + 7 pts), suivi par une lourde responsabilité (15 %, -3 pts), un honneur (13 %, -1 pt), ou une corvée (6%, +2 pts).
Dans l’exercice de leur rôle d’accompagnement financier, les professionnels effectuent toujours davantage d’actions (9 en moyenne) que les aidants mais ceux-ci – bien que ce ne soit pas leur métier – sont tout de même amenés à s’investir sur des actions nombreuses et variées (6 en moyenne). Les opérations courantes restent les actions les plus réalisées, telles que régler les dépenses, surveiller et gérer les comptes de la personne. Si les actes de gestion et suivi des dépenses courantes ne semblent pas poser de problème, les opérations boursières – moins pratiquées – sont celles qui suscitent le plus de difficultés notamment pour les professionnels – une pratique moins ancrée pour ces derniers (27 %) que les particuliers (38 %). La rédaction d’une requête à un juge, opération complexe, demeure au contraire une action largement réalisée par les professionnels (98 %) contrairement aux aidants (39 %),tout comme la gestion d’une succession (89 % contre 45 % pour les aidants).
Interrogés sur leur rôle d’accompagnement financier, la majorité des mandataires professionnels (70,5 %) et des aidants patrimoniaux (75 %) se considèrent être suffisamment armés pour faire face à leurs responsabilités. De manière un peu moins marquée, le sentiment d’être suffisamment accompagnés et conseillés est ressenti par deux tiers des professionnels (67 %) et des aidants patrimoniaux (64 %). Parmi ces derniers, les personnes âgées de 50 à 64 ans se montrent cependant plus réservées (43 %), témoignant ainsi d’un besoin d’accompagnement.
Les aidants patrimoniaux et mandataires professionnels sont confrontés à certaines difficultés. Le manque de temps est mentionné par une majorité de professionnels (59 %) – rappelons qu’ils gèrent le patrimoine de plus de 40 personnes en moyenne – tandis que les aidants patrimoniaux déplorent un manque d’accompagnement et de conseil (28 %). Un constat partagé surtout par les aidants âgés de moins de 35 ans (43 %), ils sont également nombreux à avouer un manque de connaissances financières (56 % contre 27 % en moyenne) ; cette méconnaissance est aussi plus forte chez les salariés (38 %).
Un mode de gestion de l’épargne perfectible
Pour être conseillés et guidés dans la gestion des finances et du patrimoine, les professionnels ont recours aux banquiers (85 %), et se tournent aussi assez largement vers les conseillers en gestion de patrimoine (54 %). Les aidants sollicitent eux aussi les banquiers (35 %), mais leur réseau d’aide est moins formalisé : ainsi, ils s’appuient aussi sur un autre membre de leur famille (34 %), certains assurent même ce rôle seuls (19 %), et tout particulièrement les 50 ans et plus (27 %). Cette gestion solitaire tend cependant à reculer par rapport à 2020 (-11 pts), où le sentiment d’isolement avait probablement été exacerbé par la crise du Covid-19 au profit notamment du recours à un autre membre de leur famille (34 %, +6 pts).
Même avec le soutien du banquier, la gestion de l’épargne des personnes vulnérables n’apparaît pas totalement optimisée. En effet, plus d’un aidant sur deux déclare faire « au plus simple » et laisser l’épargne là où elle se trouve (57 %) – notamment les 50 ans et plus (76 %) et ceux sans statut officiel (69 %) – plutôt que de se renseigner et d’adapter le type de placements (43 %). Si les professionnels affirment majoritairement effectuer ce travail de renseignement (67 %), un tiers d’entre eux réalisent néanmoins une gestion simple (33 %). Le recours à la gestion simple s’explique par un évitement du risque tant chez les professionnels que chez les particuliers : respectivement 52 % et 49 %, et tout particulièrement les 50 ans et plus (57 %), préfèrent effectuer des placements sans risques plutôt que des placements rapportant davantage .
Si la baisse historique des taux de livrets d’épargne des derniers mois apparaît bien intégrée, la majorité des professionnels (74 %) et des particuliers (52 %) n’ont pas pour autant réorienté l’épargne vers des placements mieux rémunérés – notamment les 50 ans et plus (71 %). Néanmoins, l’assurance-vie suscite un sursaut d’intérêt en 2021, utilisée par 95 % des mandataires et 60 % des aidants patrimoniaux, devenant ainsi le support privilégié. Interrogés pour la première fois sur les placements éthiques et responsables, 57 % des mandataires et 17 % des aidants, notamment les cadres (26 %), optent pour ce type de placement.
Lorsqu’ils font le choix de l’assurance-vie, les professionnels et les particuliers privilégient des supports en fonds euros (respectivement 90 % et 55 %) – le couplage de plusieurs supports est néanmoins en hausse parmi les mandataires professionnels (29 %,+16 pts). En la matière, la gestion libre apparaît comme le mode le plus utilisé par les professionnels (47 %) et par les particuliers (57 %), bien que la gestion pilotée occupe une place non négligeable, notamment pour ces derniers(49 %).
Un référent unique et une meilleure reconnaissance sociale
Pour mieux gérer les finances et le patrimoine des personnes vulnérables, les mandataires professionnels attendent avant tout un interlocuteur dédié et expert (39 %), devant la possibilité de suivre une formation sur les placements et la gestion de patrimoine (31 %). Les aidants sont, quant à eux, en premier lieu en recherche de supports d’information (26 %), puis d’un référent expert (24 %).
Le besoin de reconnaissance sociale se fait également sentir : un quart seulement (26 %) des professionnels estiment ainsi être suffisamment reconnus par la société. Si les aidants patrimoniaux sont globalement plus nombreux cette année à se sentir reconnus (58 %, +8 pts), ce sentiment est plus faible chez les 50 ans et plus (50 %).
« Les résultats de notre Observatoire 2021 sont éloquents en termes de choix d’épargne, et fidèles à la tendance générale : la moitié des mandataires professionnels et aidants patrimoniaux préfèrent des placements sans risque par rapport à des placements rapportant davantage. L’assurance-vie, et en particulier les fonds en euros, a ainsi toujours la cote, mais ne constitue pas forcément le choix d’épargne le plus intéressant. Un effort de pédagogie s’avère donc nécessaire afin de les aider à mieux gérer les finances et le patrimoine des personnes dépendantes », commente Renaud Célié, Directeur général adjoint Epargne & Services Financiers du Groupe APICIL.