Erick Fournier : le dernier chez soi

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Selon une récente étude, sur 700.000 résidents en maison de retraite, plus du tiers y serait contre son gré. Pourtant, le dernier chez soi est un moment clé d’une vie, qui peut durer plusieurs années. Il est donc indispensable de bien aborder cette nouvelle étape. Le choix, la préparation au changement, les proches, le coût et la volonté du principal intéressé sont des éléments à intégrer dans la réflexion.

Par Erick Fournier, directeur de la marque Villa Sully au sein du Groupe GDP Vendome

Le déni

Contrairement à ce que peut laisser penser certains témoignages, les principaux concernés sont impliqués dans le processus de réflexion. Seulement, ils ont du mal à admettre qu’ils déclinent et que leur niveau d’autonomie ne leur permet plus de rester chez eux sans une aide disponible 24/24. Il est avéré qu’un habitat inapproprié peut contribuer à dégrader l’état de santé de la personne qui y vit.
S’il est vrai que les sociétés d’aide à la personne sont de plus en plus nombreuses, le turn-over reste important dans ce secteur. Il faut donc réexpliquer régulièrement les consignes à une nouvelle personne et se familiariser avec elle. Souvent, cette tâche incombe aux proches.
Certes, la présence d’enfants ou de petits enfants à proximité semble suffisante à la personne, qui estime aussi que c’est leur devoir de s’en occuper. Mais, la réalité est qu’« aidant » est un véritable métier pouvant avoir une incidence sur la vie de famille. N’ayons pas peur des mots : avoir la charge d’une personne âgée c’est souvent très épuisant physiquement et psychiquement. On en parle peu, mais les cas de burnout d’aidants sont de plus en plus fréquents.

Quand la personne dépendante est un parent proche, on manque parfois de recul, on garde l’image positive et dynamique qui ne correspond plus forcément à la réalité. Dans ce cas, il est bon aussi d’avoir l’avis d’un tiers ne faisant pas partie du cercle familial. Il n’y a ni affect ni intérêt dans son appréciation de l’état de la personne.

Se préparer à son dernier chez soi

Je ne vous parle pas de ce qu’il faut mettre dans la valise ou du déménagement en soi. Non, se préparer à cette éventualité doit, idéalement, commencer un an avant l’échéance. Cela implique de prendre conscience qu’on va devoir s’en aller dans quelques mois. Ce laps de temps va permettre d’effectuer toutes les démarches administratives inhérentes à cette situation :

– Vente ou transmission de son habitat actuel ;
– Démarches administratives : résiliation des contrats d’assurance et autres abonnements, information des services concernés par le changement, dossiers pour bénéficier d’aides financières (en fonction du niveau de revenu, de dépendance ou encore d’établissement choisi et de région) ;
– Définition du dernier chez soi : en fonction de la localisation, des besoins et des ressources, les solutions peuvent être différentes ;
– Recherche du dernier chez soi : les places sont parfois chères, il faut donc s’y prendre plusieurs mois à l’avance pour espérer trouver l’alternative qui convient le mieux.

EHPAD, résidences services seniors ou

Bien souvent on croit le choix limité à l’une ou l’autre de ces structures. Elles ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Les EHPAD sont des structures hyper médicalisées accueillant des personnes allant du GIR 6 – légère perte d’autonomie – au GIR 1 – le stade avant les soins palliatifs -. Le suivi de chacun est standardisé, non adapté à sa pathologie et le cadre trop médical pour qu’on s’y sente chez soi. Les résidences services seniors offrent un environnement plus chaleureux, mais dès que la personne atteint le stade de GIR 4, elle est obligée de changer à nouveau d’établissement.

Le marché de la silver économie a pris en compte ce besoin de rester chez soi en proposant diverses solutions comme des détecteurs de chutes, des assistants vocaux, ou encore des piluliers connectés. Les promoteurs immobiliers ont aussi pris conscience de ce phénomène, en équipant de mieux en mieux leurs logements dans ce sens et en proposant des solutions technologiques non intrusives pour faciliter la vie de chacun. Mais, passé un certain stade, ces solutions ne suffisent plus à maintenir les personnes en perte d’autonomie chez elle.

Dès lors, des solutions d’accueil plus personnalisées commencent à émerger, telles que l’habitat partagé par exemple. Mais cette solution a ses limites car elle implique tout de même une grande autonomie ou une grande implication de l’entourage. Dès lors, l’avenir, ce sont des résidences proposant un accompagnement médical personnalisé du GIR 6 au GIR 1, privilégiant un cadre propice au ressourcement avec des appartements domotisés plus chaleureux que des chambres médicalisées. La personne doit se sentir chez elle avant tout, pas à l’hôpital ou équivalent. C’est la clé de son bien-être, car son adaptation sera probablement facilitée en sachant qu’elle peut cuisiner de chez elle si elle souhaite, avoir son repas monté si elle se sent fatiguée et parler d’égal à égal avec des personnes qui ne la considéreront pas comme « un énième malade ».

Il y a urgence, car la population française vieillit de plus en plus, mais nous manquons encore de solutions pour que nos aînés aient la dernière demeure qu’ils méritent. Le reste à charge reste encore trop important pour les familles et les solutions d’hébergements personnalisées trop peu nombreuses. C’est aux pouvoirs publics de prendre le problème à bras le corps, de saisir l’opportunité de créer de nouveaux emplois et de nouveaux leviers de croissance pour le bien-être de tous.

 


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