Alzheimer : quel marché potentiel des technologies ?

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Les technologies à destination des personnes atteintes d’Alzheimer fleurissent depuis quelques années. Il peut s’agir de montres, capteurs, pendentifs, patchs, etc. Les solutions sont très variées. 

Par Frédéric Serrière avec a contribution de Gunthern Kleinman

Certaines de ces innovations ont reçu différents prix de la profession du monde la Silver économie et la santé.

Mais qu’en est-il réellement du potentiel de ces technologies ? Y a-t-il vraiment un potentiel aussi important que beaucoup le promettent ? Quel est-il ?

Avant d’aller plus loin, le texte ci-dessous est une première analyse générale, qui ne peut en aucun cas remplacer une étude spécifique. En effet, chaque solution doit être étudiée au cas par cas.

Dans cet chronique, nous n’allons pas rappeler ce qu’est la maladie d’Alzheimer, mais expliquer le nombre de personnes qui en sont atteintes en France. On cite souvent le chiffre de 1,3 millions de personnes. Or, ce chiffre est le nombre total de personnes dépendantes. Le chiffre officiel (celui qui est souvent admis) est de 900 000 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer en France en 2016. Ce chiffre progresserait de 15.000 et 20.000 nouveaux cas par an en France.

Au début de mon intérêt pour le marché des Seniors en 1995, ce chiffre était de 850 000 personnes. La progression n’a pas été que très mesurée et elle sera encore assez faible jusqu’à 2022 comme nous allons le voir plus loin.

Partons d’un postulat : il n’existe aucune loi qui impose à une personne âgée de s’équiper de ces technologies. Je dirais même que les incitations sont maigres.

Autrement dit, sauf à imposer l’équipement de ces technologies, le potentiel du marché est défini par 900.000 personnes en France.

Alors, certains acteurs, souvent nouveaux dans le secteur, vont m’expliquer qu’il est possible de proposer ces produits à des personnes plus jeunes de manière préventive afin d’éviter le plus possible les difficultés ultérieures et probables liées à une maladie d’Alzheimer. Or là, toutes les études montrent qu’il n’y a pas de prévention qui inciterait les personnes âgées à employer ces technologies de manière préventive. Bien au contraire. La France n’a pas une culture de prévention par rapport à la dépendance.

Donc, il y a en France 900 000 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Mais, le marché potentiel n’est pas de 900 000 unités. En effet, sur ces 900.000 personnes atteintes d’Alzheimer, environ 500.000 sont dans les Ehpad ou sont à des stades très avancés de la maladie, rendant quasi impossible, ou au moins extrêmement difficile, l’usage de ces technologies de manière autonome.

Etre en mesure d’utiliser ces technologies

Donc le marché potentiel se réduit à moins de 450.000 équipements.

Dans ces 450.000 utilisateurs potentiels, il y a environ 100 à 150 000 personnes qui sont, elles, à des stades très peu avancés de la maladie d’Alzheimer soit au tout début de cette maladie. Dans la grande majorité des cas, ces personnes n’ont pas besoin de ces technologies ou ne pensent pas en avoir besoin.

Donc le marché potentiel plus réaliste en est réduit à environ 300.000 unités.

Ensuite, il est nécessaire d’étudier les facteurs explicatifs d’achat de ces technologies. Autrement dit, quels sont les éléments, les circonstances et les événements qui déclenchent la décision d’achat de ces technologies. Elle fait souvent suite à un incident qui est jugé assez grave par la famille, à savoir une fugue ou une chute ou un risque domestique au domicile.

Le marché est encore réduit par ces simples facteurs parce qu’une partie des personnes qui pourrait être équipée (et qui devrait peut-être l’être d’ailleurs) ne prend pas la décision de le faire parce que les personnes n’ont pas encore vécu ces événements.

Des raisons précises d’équipement

D’ailleurs, bien souvent ce sont les enfants, généralement âgés de 55 à 65 ans, qui sont les premiers convaincus de l’intérêt de ces technologies.

Ensuite, pour aller plus loin et cerner le marché potentiel réel et objectif de ces technologies, nous devons prendre en compte que plusieurs de ces technologies ne sont pas en cohérence avec les usages des générations ciblées. Autrement dit, beaucoup de ces technologies sont basées sur des usages qui sont déjà acquis par les jeunes générations, mais pas par les générations âgées. Si une technologie nouvelle demande l’apprentissage d’un usage ou une façon de procéder à une personne âgée, son degré d’acceptation en sera d’autant plus faible et très long.

Donc, au final le marché potentiel de ces technologies est de moins de 200 000 personnes environ même s’il est nécessaire d’étudier la situation au cas par cas, soit loin des 2 à 3 millions souvent cités en conférences ou dans les études.

Ensuite, il s’agit d’un gâteau à répartir entre les différentes technologies qui auront su se faire connaître.

Au final, une technologie particulière peut raisonnablement vendre entre 10 000 et 20 000 unités. Estimer que sa solution est meilleure que toutes les autres et qu’elle va prendre la totalité du marché serait quelque peu osé.

À ce stade de la réflexion, beaucoup me disent « oui, mais le marché va évoluer parce que le nombre de personnes atteintes d’Alzheimer va progresser dans les prochaines années ». Je suis d’accord, mais les questions plus pertinentes sont de savoir dans combien de temps et avec quel facteur de progression.

Un marché stable d’ici 2022

En effet, si nous prenons simplement (pour faciliter la démonstration) l’aspect démographique, le nombre de personnes de plus de 78 ans est quasi stable jusqu’à 2022. Ce n’est qu’après 2022, voir 2025, que le nombre de personnes, dans les tranches d’âges les plus concernées, devrait plus fortement progresser.

Ensuite, la progression du nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ne se fera pas uniquement en corrélation avec le pourcentage que nous avons à l’heure actuelle. De nombreux autres facteurs doivent être étudiés. Par exemple, plusieurs études expliquent que les politiques de prévention mises en place durant ces dernières années dans les pays développés, concernant les maladies chroniques, ont déjà permis de faire baisser la prévalence de la maladie d’Alzheimer.

La découverte d’un médicament pourrait chambouler le secteur

En résumé et en conclusion le marché potentiel des technologies à domicile pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer est environ 150 à 200.000 personnes avec une progression faible jusque 2022 et plus forte ensuite, si un médicament n’est pas trouvé d’ici là.

Face à cette situation, certains acteurs développant ces solutions technologiques changent leur cible et s’orientent vers le marché des Ehpad. Là, il s’agit de répondre aux attentes de ces établissements et à son personnel avec des solutions pour mieux s’occuper, de manière plus facile et (souvent) de façon moins coûteuses de leurs résidents atteints par la maladie Alzheimer. Ceci est un autre marché qui fera l’objet d’une autre chronique.

 


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