Quel est le secret du bien vieillir ou comment vieillir heureux ? Cette interrogation pourrait presque s’inscrire dans un sujet du baccalauréat au chapitre philosophie. C’est dire si la question est ouverte. Et si une partie de la réponse résidait dans le cadre de vie ?
Par Adrien Silvestre, Responsable Espaces Verts Domitys
S’occuper de nos ainés est un sujet universel. Prendre soin de ceux qui ont été avant nous et qui nous ont permis de devenir les personnes que nous sommes aujourd’hui, afin que nous en fassions autant demain pour les générations futures. Une sorte de passation de témoin qui permet d’assurer la transmission du bonheur au fil du temps. Une vraie philosophie de vie.
Plus simple à dire qu’à faire. Et pourtant, certains ont décidé d’accompagner au jour le jour les seniors dans cette étape de leur vie. Non pas en leur vendant du bonheur (qui peut d’ailleurs y prétendre ?) mais en leur proposant un cadre de vie qui libère des soucis quotidiens.
Cet objectif, c’est celui des résidences services qui proposent à des seniors autonomes un appartement dans une résidence d’habitation avec services et adaptée aux besoins de chacun. Le cadre y est sécurisé, convivial et animé. Tout est proposé, rien n’est imposé. Chacun pourra y trouver au choix des services de restauration, d’accueil, de ménage, de bricolage et surtout d’animations, le principal atout de ces résidences. Certaines sont d’ailleurs élaborées, bâties et gérées par un groupe unique pour s’approcher au plus près des attentes des seniors. C’est le cas chez Domitys. Les locaux sont pensés pour les seniors d’aujourd’hui et de demain dans un style actuel et soigné. Ces lieux d’habitation proposent également des espaces verts de dimensions plus ou moins larges suivant l’implantation urbaine ou rurale qui viennent accompagner le bâti pour une intégration au décor voisin tout en douceur. Objectif : retrouver cet esprit cocooning qui rassure !
Ces jardins font l’objet d’une attention particulière car ils permettent à chaque résident de développer son imaginaire et de faire ressurgir des souvenirs. Une enfance heureuse à la campagne, une balade en forêt ou au milieu des prairies, le parfum des fleurs d’été… L’écoute de la nature amène alors un sentiment d’évasion de l’esprit. Ce jardin perçu comme idéal puisque rempli d’une émotion positive, nécessite une profonde réflexion. Chez Domitys, plusieurs années d’étude, d’échanges plus ou moins passionnés et d’erreurs parfois ont permis de transformer les espaces verts en une réelle vitrine pour le groupe. Zoom sur une belle réussite collective.
LA PRISE DE CONSCIENCE
A l’origine, il faut reconnaître que la conception des espaces verts n’est pas forcément définie comme étant la priorité, comme dans beaucoup de projets immobiliers de manière générale. Il s’agit bien souvent d’un verdissement des abords du bâti plutôt que d’une réelle réflexion paysagère. Le résultat est sobre et vert. Les arbustes sont disposés çà et là de manière aléatoire et taillés au cordeau, les haies sont rectilignes et monotones et les fleurs sont peu présentes. Mais cela suffit pense-t-on à l’époque, à répondre aux attentes des résidents qui y vivent. Et le résultat est plutôt esthétique. Cependant en parallèle, le travail réalisé sur l’aménagement des locaux et des lieux d’habitation au profit du confort quotidien des résidents crée une distance entre espaces intérieurs et extérieurs, entre bâti et jardin. Le travail des façades, des lignes et des courbes verticales s’arrête dès que celles-ci touchent le sol. Les détails architecturaux, le soin apporté au choix des matériaux ne se prolongent pas réellement dans cet écrin de verdure. Il manque ainsi une véritable cohérence dans l’aménagement global du projet. Il convient donc de s’interroger sur la notion de bien-être des résidents au jardin. La dimension esthétique est-elle la seule à entrer en compte dans la conception de cet espace ? Quelles sont les attentes des seniors en matière de jardin ?
Un état des lieux exhaustif portant sur des aspects de conception et d’entretien permet de rendre compte des atouts existants et des améliorations à développer pour répondre aux besoins réels. Les résultats décrivent alors les jardins comme des lieux insuffisamment valorisés et trop peu utilisés par les seniors. Un constat prévisible, qui laisse entrevoir des jardins délaissés par leurs potentiels utilisateurs. Ceux pour qui ils ont été créés. Or n’est-ce pas là même, la raison d’être de ces espaces ? Un lieu de nature dans un milieu parfois très urbain certes, mais surtout un lieu de nature vivant, investi par les résidents pour mieux s’y retrouver, s’y ressourcer et s’y inspirer.
LE DEBUT D’UNE RECONQUETE
Le cap est donc fixé : mieux penser le jardin et mieux le gérer au quotidien pour mieux y vivre. Dans les faits, cela se traduit par une révision complète des méthodes de travail. Finis les projets paysagers élaborés de manière artisanale avec un résultat trop aléatoire à la clé, en deçà des espérances de chacun. Place à un vrai cahier des charges tourné vers les attentes des seniors.
Un jardin, ça se pense ! Il doit devenir une pièce à vivre de la résidence au même titre que la salle de restaurant ou l’atelier d’animations. Il peut être composé de différentes zones propres à se divertir, se reposer, méditer ou communier avec la nature. Comme dans une pièce de la maison, du mobilier savamment choisi doit pouvoir permettre de s’installer à son aise à tout moment de la journée. Comme dans une pièce de la maison, la circulation doit être fluide et étudiée pour ses utilisateurs. Comme dans une pièce de la maison, l’espace doit être facile à vivre mais aussi à gérer au quotidien. Ce jardin devra donc se mettre au service de ses usagers seniors tout en proposant un écrin de verdure perméable autour du bâti comme un trait d’union avec l’environnement proche.
La mise en musique de cette partition est confiée à des concepteurs paysagistes notamment le bureau d’étude paysager parisien Vertumne Paysage. Ces « architectes du paysage » ont pour mission de déployer le cahier des charges à l’ensemble des nouveaux projets en y insufflant un vent de modernité. Qui a dit qu’un jardin pour seniors devait être vieillot ? A bas les clichés ! Les seniors d’aujourd’hui et de demain sont et seront dynamiques et modernes, les espaces verts doivent en être le reflet.
Chaque site est unique, chaque futur jardin a ses contraintes et chaque identité locale est forte. Les français sont chauvins, soyons honnêtes. Les seniors ne dérogent pas à cette règle. Ainsi les hortensias en Bretagne sont une obligation presque légale comme le sont les lavandes en Provence et les pommiers en Normandie. Impossible donc de dupliquer. Quel intérêt d’ailleurs ? Sauf à s’ennuyer !
La trame est prête et les interlocuteurs réunis pour la mise en œuvre. Les jalons sont posés. Ne reste plus qu’à convaincre des atouts de cette nouvelle organisation.
PLACE A L’ADHESION
Changer les habitudes, les certitudes, les méthodes de travail… un vrai challenge. D’autant que la mission est double. Il faut convaincre les équipes et les utilisateurs. Néanmoins, une méthode a déjà fait ses preuves : la communication.
Il faut expliquer. Expliquer pourquoi, à partir de maintenant, le paillage sur l’ensemble des plantations s’impose. Parce qu’il permettra de conserver l’humidité en période sèche, de nourrir le sol par sa décomposition et de limiter la croissance des plantes indésirables. Pour une croissance plus rapide et des végétaux en meilleure santé.
Il faut prouver. Prouver que cette haie nouvellement plantée avec des arbustes de variétés différentes n’est pas forcément parfaite à la plantation. Car oui, les végétaux sont de tailles différentes, certains n’ont pas de feuille en hiver et d’autres sont un peu chétifs. Mais dès le printemps suivant, cette haie trop vite jugée comme inesthétique, se parera d’un camaïeu de verts, du vert tendre au vert sapin. Puis suivront alors les premières fleurs, odeurs, parfums et avec eux les insectes annonçant les beaux jours. Et finalement cette haie s’avèrera beaucoup moins monotone et beaucoup plus riche en biodiversité qu’une haie de thuyas.
Il faut gagner la confiance. La confiance des résidents seniors qui doutent des nouvelles méthodes de désherbage car « à l’heure époque » comme ils aiment le rappeler, les produits chimiques étaient rois et cela fonctionnait très bien. Mais la technique du désherbage thermique fonctionne très bien également et en plus, elle préserve l’environnement. C’est quand même mieux vous ne trouvez pas ?!
Il faut se tromper parfois. Se tromper en installant des plantations délicates et soignées à proximité d’une parcelle boisée et se rendre compte qu’elle est infestée de lapins qui se régalent de vos jeunes végétaux bien tendres. Alors que les végétaux qui se développent naturellement sur le site sont beaucoup moins intéressants dans le régime alimentaire des rongeurs. Au final, les espèces indigènes, c’est bien aussi ! Apprendre de ses erreurs, les expliquer et trouver une autre solution, cela vous permet d’avancer et de grandir.
Et enfin, il faut persévérer. Persévérer quand vous estimez qu’il est nécessaire d’installer ces carrés potagers que vous avez prévus à l’aménagement même si le budget est serré. Car vous êtes certains qu’ils seront utiles aux résidents dans la culture de leurs fruits et légumes de saison. Ces radis qu’ils viendront cueillir discrètement lors de leur balade matinale avec leur animal de compagnie. Ou encore cette tomate qu’ils viendront récolter en soirée après la chaleur écrasante de cette journée d’été. Car même si la peau est épaisse, elle a un gout inimitable de tomate « du jardin ».
Avec des convictions et de l’ambition, c’est ainsi la majeure partie des nouveaux choix techniques qui emportent l’adhésion des acteurs de la mise en œuvre et des résidents seniors au final.
UN JARDIN DURABLE POUR DEMAIN
Les changements majeurs opérés ont permis d’initier une recherche de sens à cet espace paysager auparavant trop peu utilisé. Ainsi ont fleuri en résidence des promenades piétonnes distribuant des boulodromes, des potagers, des vergers…éloignant peu à peu le jardin du simple espace foncier qu’il était à l’origine pour le transformer en un véritable lieu d’échange et de stimulation des seniors favorisant ainsi leur santé psychique.
Face à l’actualité environnementale toujours plus alarmiste, il parait également nécessaire de continuer les efforts entrepris dans la sensibilisation des différents publics qu’ils soient collaborateurs ou utilisateurs des jardins en résidences services. Cette réflexion passe par 3 grands axes de travail à savoir l’évolution du cahier des charges vers une version plus vertueuse, le déploiement d’actions en faveur de la biodiversité dans les espaces verts des résidences ou encore la gestion différenciée des jardins.
Le premier axe est la suite logique du processus déjà engagé. Il prévoit notamment un travail autour de la consommation en eau des jardins à l’heure où les étés s’avèrent toujours plus chauds et secs, à l’image de l’été 2019. Comment proposer un jardin qui reste esthétique dans ces conditions ? Sommes-nous tous collectivement prêts à réduire nos exigences et à accepter un jardin moins « vert » pour sauvegarder la ressource en eau ?
Le second point s’intéresse plutôt à la sensibilisation en faveur de la biodiversité avec des actions telles que la mise en œuvre de ruchers sur les résidences. En plus de participer à la sauvegarde des abeilles, cet atelier pourrait s’avérer être le marqueur d’une démarche environnementale plus large. L’abeille en danger étant facilement associable à cette biodiversité qui recule. On pourrait se prendre à rêver en imaginant transformer les jardins des futures résidences en conservatoire de la biodiversité où la faune locale trouverait refuge pour s’abriter, se nourrir et se reproduire dans des espaces plantés de vergers de pommes anciennes à protéger. Plus que des « sanctuaires musées » pour espèces en danger, de véritables lieux de vie où pourraient cohabiter hommes, animaux et végétaux.
Enfin, la gestion différenciée constitue le dernier axe de réflexion en faveur d’un engagement environnemental plus soutenu. Avec une interrogation quant à la tolérance des seniors sur la thématique. L’aspect moins soigné que peut laisser paraitre ce type de gestion avec une partie des pelouses traitées en prairie ou encore des haies peu ou pas taillées constituées de plantes adaptées pourrait-il convenir aux résidents de demain ? Où se situe le seuil d’acceptation et quelle communication faut-il mettre en place pour accompagner cette démarche ? Les chantiers de demain se jouent aujourd’hui.
Comme un bâtiment mérite son architecte, un jardin mérite son paysagiste. Sa mission : comprendre les attentes de l’utilisateur final, les contraintes du site et les enjeux environnementaux pour proposer un projet paysager global adapté. Quand l’utilisateur s’avère être un senior, la qualité de la réflexion doit rester identique même si les besoins eux évoluent avec l’âge.
Le défi de ces résidences consiste donc à intégrer les besoins actuels et imaginer ceux de demain avec la difficulté supplémentaire de travailler avec des êtres vivants qui peuvent mettre plusieurs décennies à s’installer. Concevoir des jardins pour les seniors, un vrai métier et un pari sur l’avenir.