Le vieillissement démographique affectera l’économie

Depuis le début de cette année, le rythme du vieillissement de la population de la Suisse s’accélère. Dans un quart de siècle, pour autant que l’âge de la retraite ne recule pas d’ici là, la Suisse ne comptera que 2,5 personnes en âge de travailler pour un rentier, contre 3,8 actuellement. Ce phénomène se répercutera inexorablement sur le marché du travail. D’une part, l’âge moyen des travailleurs ne cessera de s’élever au fil des années en raison de la diminution progressive des nouveaux entrants. Dans quinze ans, les quinquagénaires représenteront le tiers de la population active, contre un quart en 2000. Ce qui pourrait entraîner une augmentation des coûts du travail (salaires et cotisations sociales) et une plus grande difficulté pour l’économie à s’adapter aux progrès technologiques.

D’autre part, si les projections démographiques s’avèrent correctes, le nombre d’actifs baissera à partir de 2015. Dans le meilleur des cas, il diminuera de quelque 100 000 personnes d’ici à 2030. Dans le pire des cas, il chutera d’environ 300 000 individus. Ce qui accroîtra la concurrence non seulement pour trouver la perle rare, mais aussi pour renforcer les effectifs dans les branches qui seront le plus confrontées au vieillissement de la population. On pense bien sûr en priorité au domaine de la santé. Là aussi, un manque de main-d’œuvre pourrait provoquer une augmentation de la masse salariale. Cette double perspective obligera, d’une part, le monde politique et, dans une démocratie directe, les citoyens à oser prendre des décisions courageuses et contraindra, d’autre part, les entreprises à adapter leur gestion des ressources humaines ainsi que leur organisation de travail si elles veulent rester compétitives.

Des moyens
A condition de s’en donner les moyens, la Suisse est capable de répondre à ce défi. Et certainement mieux que d’autres économies qui enregistreront une forte chute des actifs. Aujourd’hui, la participation des seniors au marché de l’emploi figure parmi les plus élevées des pays industrialisés. Avec 65% des personnes âgées entre 55 et 64 ans qui travaillent, notre pays se classe au quatrième rang européen derrière l’Islande, la Suède et la Norvège. Cet excellent score pourrait cependant se transformer en handicap à l’avenir. Car, dans cette catégorie d’âge, le réservoir est faible pour combler une probable pénurie de main-d’œuvre. Repousser la retraite à 67 ans ou plus semble illusoire. Les sondages le montrent: les entreprises ne sont déjà guère disposées à garder leurs sexagénaires. Et encore moins à en recruter.

Diverses incitations à l’emploi pourraient certainement inverser la tendance. Dans ce domaine, la Suisse devrait s’inspirer de l’Europe du Nord. Pourquoi les autorités ne soutiendraient-elles pas, par le biais d’une baisse des cotisations sociales, les emplois flexibles à temps partiel après l’âge légal de la retraite et l’amélioration de la formation continue des seniors, qui constitue toujours une importante lacune dans notre système d’éducation? Pourquoi ne décideraient-elles pas d’uniformiser le taux de cotisation au deuxième pilier voire de réduire fortement toutes les charges sociales pour les travailleurs de plus de 60 ans? Voilà des pistes qui mériteraient d’être explorées. De même que celles qui conduiraient à différencier la retraite selon la pénibilité du travail et d’après les tables de mortalité calculées par profession. Sans oublier évidemment un assouplissement du système salarial fondé sur l’ancienneté.

Favoriser le travail féminin
Alors que la Suisse présente un taux d’activité très élevé chez les seniors en comparaison internationale, elle ne se classe, a contrario, que dans le milieu voire dans le bas du classement en qui concerne la participation des femmes au marché du travail. Si l’on prend en compte le volume total des heures effectives de labeur, le taux d’emploi féminin ne s’élève qu’à 36%. Ce n’est pas surprenant, vu l’absence de politique familiale. Les Alémaniques restent toujours persuadés que la maternité ne concerne que la sphère intime de l’individu. Or, la fécondité est un véritable enjeu de société. Pour preuve, les difficultés du financement des retraites et le recul du nombre d’actifs. Comme une très forte majorité de femmes travaillent à temps partiel, le réservoir de main-d’œuvre est donc substantiel dans cette catégorie de travailleurs. Encore faut-il pouvoir y puiser. La mise en place d’une solide politique en faveur de la famille permettrait de relever une bonne partie des défis que représente le vieillissement démographique.

De nombreuses analyses montrent que l’économie a tout à gagner d’une participation plus active des femmes au marché du travail. Combien de jeunes diplômées dont la formation a coûté cher aux collectivités publiques puis aux entreprises doivent-elles abandonner leur job pour enfanter? Pour l’Etat et pour l’économie, la perte est très élevée. Voilà pourquoi des mesures s’avèrent urgentes à prendre. Lesquelles? La création de crèches et d’accueil parascolaires financée non seulement par les communes mais aussi par les entreprises, la mise en œuvre d’horaires-blocs dans les écoles, la baisse de la fiscalité pour les familles, l’encouragement au temps partiel chez les hommes, etc. favoriseraient l’emploi féminin. Selon un rapport de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), « le niveau du produit intérieur brut pourrait être de 15% à 20% plus élevé si le taux d’emploi et le nombre d’heures travaillées par les femmes augmentaient progressivement dans les cinquante prochaines années pour atteindre ceux des hommes. »

Concurrence
A une meilleure incitation au travail chez les seniors et à une meilleure conciliation entre activité professionnelle et vie de famille s’ajoutent également la nécessité de favoriser une hausse de la productivité du travail au sein des entreprises et l’obligation d’encourager une immigration sélective. La recherche des meilleurs cerveaux sera d’autant plus difficile à l’avenir que tous les pays industrialisés se livreront à une concurrence encore plus dure que maintenant. Dans les prochaines décennies, les économies et les sociétés les plus compétitives seront celles qui seront parvenues à relever tous ces défis.

 

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