Un nouveau rapport de la Banque mondiale affirme que le monde est confronté à une crise des retraites – des réformes majeures sont inévitables
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Selon le rapport, dans les pays développés, on devient riche avant de vieillir, tandis que dans les pays en développement on vieillit avant de devenir riche, mais les mêmes défis se posent aux uns et aux autres
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Alors que les dirigeants des États-Unis, d’Europe et d’Asie cherchent à déterminer comment assurer le financement à long terme de leurs régimes de retraite, un nouveau rapport de la Banque mondiale affirme que l’intensification des pressions démographiques et économiques va contraindre les pays en développement aussi bien que les pays développés à entreprendre d’urgence une réforme des retraites. Selon le rapport—Aide au ; revenu des personnes âgées au XXIe ; ; siècle : un point de vue international sur les retraites et la réforme, l’accroissement du nombre de femmes au sein de la population active dans le monde, l’augmentation du taux des divorces, l’évolution des structures de l’emploi au niveau de l’économie mondiale, l’aggravation des déficits budgétaires et, l’accroissement du nombre de personnes âgées concourent à rendre inévitable la réforme du régime des retraites. ; ; ;
« ;Le présent rapport nous montre que si dans la plupart des pays, la réforme des retraites est motivée initialement par une préoccupation budgétaire à court terme qui est celle de maintenir à flot les coûteux régimes publics, les problèmes plus importants à long terme du vieillissement de la population mondiale, des changements sociaux dans le monde et de l’évolution de l’économie mondiale ne revêtent pas moins d’importance à cet égard ;» ;déclare M. Robert Holzmann, Directeur de l’Unité de la protection sociale de la Banque mondiale, co-auteur du nouveau rapport et une autorité internationale en matière de réforme des retraites. ;
Le rapport offre un cadre commun pour aider les pays à résoudre leurs problèmes de retraites. Ce cadre propose de diversifier les régimes de retraites en combinant des éléments publics, de façon à garantir un niveau de vie minimum, et des composantes gérées et financées par le secteur privé ;; tout en soulignant les liens qui peuvent exister entre la réforme des retraites et des conditions favorables à la croissance et au développement. Le rapport constate que la plupart des régimes publics de retraite n’ont pas été conçus pour offrir le niveau actuel de prestations lorsqu’ils sont confrontés aux changements démographiques et économiques majeurs d’aujourd’hui. Par conséquent, si l’on veut maintenir à flot les régimes existants, il faudra soit réduire les dépenses publiques dans les domaines de la santé et de l’éducation, soit réduire considérablement les pensions des prochaines générations de personnes âgées. ; ; ; ;
Dans bien des cas, dit le rapport, les dépenses budgétaires réelles ne sont pour ainsi dire jamais calculées de façon exhaustive ou transparente, et le plus souvent, les régimes de retraite ne tiennent pas compte des principes « ;actuariels ;» types qui interviennent dans les régimes de retraite efficaces. La Banque mondiale, qui a été impliquée dans la réforme des retraites dans plus de 80 pays et qui octroie un appui financier à de telles réformes dans plus de 60 pays, soutient que si des problèmes de ce genre ne sont pas résolus, on peut s’attendre à une chute de la croissance économique et à une montée de la pauvreté. ; ;
M. Holzmann affirme que le maintien à flot, par de continuels transferts budgétaires, de régimes de retraite dont les coûts sont inabordables, est la cause principale de déficits budgétaires si importants et en augmentation. De tels déficits peuvent à leur tour aggraver les perspectives macro-économiques d’un pays en période de crise économique. L’exemple le plus récent et le plus radical d’une telle situation est celui du Brésil en 1998, où un déficit budgétaire de plus de 6 ;% du PIB a provoqué une crise faisant suite aux crises financières de la Russie et de l’Asie de l’est. Deux tiers de ce déficit, soit environ 4 ;% du PIB, étaient imputables aux coûts des retraites.
Par ailleurs, si les pouvoirs publics souhaitent limiter les effets déstabilisateurs de ces importants transferts budgétaires, ils doivent augmenter les impôts ou réduire d’autres dépenses budgétaires. Étant donné qu’il est difficile d’augmenter les impôts, les autorités de nombreux pays en développement choisissent d’élaguer d’autres dépenses sociales, le plus souvent les dépenses de santé et d’éducation. Ainsi, la hausse du coût des retraites des professeurs admissibles à en bénéficier, réduit tout simplement le nombre de nouveaux professeurs qui peuvent être recrutés, l’enveloppe budgétaire de l’éducation étant déjà soumise à de fortes pressions. Dans d’autres cas, les professeurs doivent continuer à émarger au budget de l’État après l’âge de la retraite, parce que la caisse de retraite ne dispose pas de ressources suffisantes pour payer leurs retraites. De ce fait aucun nouveau professeur ne peut être recruté.
Sociétés en mutation et évolution des structures de l’emploi ;
Au-delà des raisons économiques, ce sont les profondes mutations de la société et des méthodes de travail qui doivent inciter aux réformes. ;
Les femmes sont plus nombreuses dans la population active—le nombre de femmes dans la population active mondiale s’est accru considérablement au cours des dernières décennies, mais les régimes de retraite ne se sont pas adaptés en conséquence. La plupart d’entre eux sont conçus à l’intention de salariés menant une carrière pleine et ininterrompue, ce qui ne correspond pas à la trajectoire de la plupart des femmes qui peuvent être amenées à quitter leur emploi pour élever des enfants, qui perçoivent des salaires moins importants et qui survivent généralement de plusieurs années à leur mari. Dans de nombreux pays, les mariages stables (toute une vie) sont également devenus l’exception et non la règle. Ainsi dans de nombreux pays de l’OCDE, le taux de divorce est à ce point élevé que l’on estime à environ 50 ;% le nombre des mariages qui perdureront, ce qui fait que de nombreuses personnes âgées vivent seules. En raison de ces évolutions, les femmes risquent de plus en plus de se trouver démunies dans leur vieillesse si le régime des retraites n’est pas adapté à leurs besoins.
Changement des structures de l’emploi —cette évolution plus récente se réfère à la réduction du nombre d’emplois salariés à plein temps et à l’augmentation du travail à temps partiel, des emplois indépendants et des emplois temporaires. Cette tendance peut être imputée à la mondialisation et aux pressions concurrentielles qu’elle exerce. Quelle qu’en soit la raison, ; la situation des travailleurs à temps partiel n’est pas satisfaisante dans le cadre actuel de nombreux régimes de retraites, qui reposent sur un modèle d’emploi à plein temps. Le régime des retraites devra être élargi et garantir à ces travailleurs du XXIe siècle l’accès aux droits et la transférabilité de ces droits, faute de quoi, nombreux sont ceux qui courent le risque de passer leur vieillesse dans une grande pauvreté.
Non prise en charge par un régime de retraite — dans la plupart des pays en développement, les pauvres et les personnes qui travaillent de façon intermittente dans le secteur formel de l’économie sont très rarement pris en charge par un régime de retraite. Pour améliorer le taux de couverture, il faut réformer les régimes qui sont chers et ne sont pas viables ; envisager d’introduire des allocations vieillesse si les personnes âgées sont plus vulnérables que d’autres groupes « ;à risques ;» dans la population, tels les enfants et les personnes souffrant d’un handicap, et si le financement de telles allocations peut être assuré ;; et introduire ou améliorer les plans de retraite volontaires et les régimes de retraite par capitalisation qui sont mieux adaptés aux besoins des travailleurs du secteur informel de l’économie.
Augmentation du nombre des personnes âgées — le nombre des personnes âgées dans le monde s’accroît à un rythme rapide, en raison de l’allongement de l’espérance de vie et de la baisse des taux de fécondité. Cela se traduira, dans le monde entier, par une augmentation régulière de l’âge moyen de la population, par un accroissement du nombre des personnes âgées (65 ans et plus), par un accroissement plus rapide encore du nombre des personnes très âgées (85 ans et plus) et par une augmentation du rapport personnes âgées (65 ans et plus)/population en âge de travailler (15 à 64 ans). Cette tendance est particulièrement prononcée en Europe et au Japon, moins en Afrique et au Moyen-Orient, mais c’est une réalité dans la quasi totalité des pays, ; et cela se produit à un rythme beaucoup plus rapide dans les pays en développement que dans les pays développés. Près de 60 % des personnes âgées vivent dans les pays en développement, mais il est prévu que ce chiffre passe à 80 ;% d’ici 2050. Dans les pays développés, on devient riche avant de vieillir, tandis que dans les pays en développement, on devient pauvre avant de vieillir, mais du fait du vieillissement de la population, les mêmes défis se posent aux uns et aux autres.
Cela entraîne deux conséquences principales. Tout d’abord, il faudrait modifier les régimes de retraite qui prélèvent les cotisations d’une génération pour financer les droits de leurs parents, pour tenir compte du fait que les personnes âgées vivent aujourd’hui plus longtemps que prévu lors de la conception de ces régimes. D’autre part, les régimes de retraite devront être plus souples afin que les travailleurs d’un certain âge puissent être incités à retarder leur départ à la retraite, de façon à conserver une population active en nombre suffisant pour soutenir la croissance. De ce fait, il est d’autant plus important de soutenir efficacement le revenu des retraités et d’évaluer avec soin les arbitrages qui doivent être opérés et les synergies qui existent entre les sommes allouées pour atteindre des objectifs de croissance (dépenses d’éducation et de santé notamment) et les sommes allouées pour rendre certains groupes (enfants et personnes souffrant de handicaps notamment) moins vulnérables à la pauvreté. ; ;
«Dans toute une série de pays allant de l’Europe centrale et orientale à l’Amérique latine et à l’Asie, la réforme des retraites a déjà conduit à l’adoption de régimes qui fourniront une base solide de croissance et de sécurité futures. Les autorités dans d’autres régions doivent tirer les enseignements de cette expérience pour entreprendre des réformes si elles ne veulent pas être ; ; dépassées par les implications budgétaires et sociales de ne pas avoir agi suffisamment vite et de façon suffisamment radicale» déclare M. Richard Hinz, co-auteur du nouveau rapport sur les retraites et Conseiller de la Banque mondiale en matière de politique des retraites. ; ;
{Pour une description exhaustive de la manière dont les différentes régions et les différents pays font face aux défis de la réforme des retraites, voir le Chapitre 7, Expériences régionales ;: faits nouveaux et première évaluation de la réforme, page 141}
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Pas de solution universelle ; ; ;
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Selon le nouveau rapport de la Banque mondiale, la décennie écoulée a fait ressortir toute l’importance du régime de retraite pour la stabilité économique des pays et la sécurité de leur populations vieillissantes. Les réformes entreprises au cours des dix dernières années montrent ; ; également qu’il n’existait pas de solution universelle — que les pays pouvaient choisir entre plusieurs combinaisons différentes d’éléments pour constituer un régime de retraite efficace, adapté à la situation propre du pays. Il apparaît aussi que les deux principaux objectifs d’un régime de retraite, à ; savoir, réduire la pauvreté et éliminer le risque d’une dégradation rapide des conditions de vie lors de la retraite, et de façon plus générale, protéger les personnes âgées vulnérables des crises économiques et sociales, sont des objectifs toujours pertinents.
Compte tenu de ces objectifs, la Banque mondiale pense que la meilleure solution au problème de la réforme des retraites consiste à adopter un régime reposant sur plusieurs piliers, celui-ci étant beaucoup plus souple et mieux à même de faire face aux différents risques que les régimes de retraite sont censés gérer. Un financement préalable et des investissements axés sur le marché sont considérés comme des éléments clés de la plupart des réformes mais les limites du financement se voient aussi de façon beaucoup plus nette.
Le régime à plusieurs piliers qui est suggéré repose sur une combinaison de cinq éléments de base : a) un pilier non financé par des cotisations ou « ;pilier zéro ;» (sous forme d’une prestation universelle ou d’allocations vieillesse) qui offre un niveau de protection minimal ;; b) ;un système de cotisations, ; ; « ;le premier pilier ;», lié à des degrés divers aux revenus et qui vise à remplacer une partie du revenu ; c) un « ;deuxième pilier ;» obligatoire qui est essentiellement un compte d’épargne individuel mais qui peut être construit de diverses manières ;; d) un régime volontaire, le « ;troisième pilier ;», qui peut revêtir des formes très diverses ; ; (plan individuel, plan proposé par l’employeur, plan à prestations définies, plan à cotisations définies) mais qui est par nature essentiellement souple et discrétionnaire ; et e) des sources informelles de soutien financier et non financier aux personnes âgées (notamment l’accès aux soins de santé et au logement), qui proviennent de la famille ou d’autres générations .
Pour différentes raisons, un régime qui incorpore autant d’éléments que possible, en tenant compte des préférences des pays, ainsi que du niveau et de l’incidence des frais de transaction peut, par le biais de la diversification, garantir de façon plus efficace et plus concrète ; ; un revenu aux retraités. D’après le rapport, le principal défi consiste à déterminer comment combiner ces différents éléments en un système exhaustif qui réponde aux besoins particuliers de chaque pays et qui indique comment procéder à des réformes réalisables.