Le vieillissement de la population assure de beaux jours aux secteurs de sont positionnées sur le créneau, le tout étant de savoir comment tirer profit de cette manne. Une question d’autant plus complexe que les seniors fuient les produits qui leur sont spécifiquement dédiés.
Les plus de 50 ans se rebiffent. S’il est en effet un marché que la folie Internet de l’an 2000 avait trop vite mis aux oubliettes, c’est bien celui des seniors. Les mauvaises performances des valeurs technologiques depuis un an et demi, alors que le secteur de la santé résistait mieux à la crise, l’a subitement remis au goût du jour.
Rien d’étonnant dans la mesure où le vieillissement de la population lui assure aujourd’hui une bien meilleure visibilité que la nouvelle économie.
Et pour certains même un potentiel en Bourse nettement supérieur.
La France comptera en effet en 2050, plus de 22 millions d’habitants de plus de 60 ans selon l’Insee, soit 35 % de sa population, contre 20 % aujourd’hui, et les personnes âgées de plus de 75 ans seront trois fois plus nombreuses qu’en 2000. Dans un tel scénario, les seniors disposeront non seulement d’une plus grande espérance de vie mais aussi de revenus très élevés puisque les femmes de 50 ans – contrairement à leur mère et grand-mère – toucheront une retraite. Or les plus de 50 ans détiennent déjà aujourd’hui 45 % du revenu français et la moitié du patrimoine des ménages, alors dans dix ou vingt ans…
Le tout est de savoir comment tirer profit de cette manne. Pour Jacques Bourgès-Maunoury, directeur de la gestion chez UBS, trois grands secteurs en bénéficieront: le médical (qui englobe les fabricants de médicaments ou de prothèses, jusqu’aux chaînes de cliniques privées), les loisirs (voyage, bricolage…) et enfin la banque et l’assurance, les seniors étant des investisseurs actifs. «Reste ensuite à choisir dans chacun de ces secteurs, les entreprises qui réalisent une part importante de leur chiffre d’affaires avec une clientèle âgée» , explique-t-il.
C’est là que le bât blesse: en Europe, peu d’entreprises acceptent de communiquer l’âge de leurs clients.
Et pour cause: les seniors contrairement à leurs homologues américains, ne veulent pas être isolés du reste de la population. Selon les directions du marketing, une offre qui leur serait dédiée serait vouée à l’échec.
Ainsi Philippe Bosc, spécialiste de la coiffure à domicile en France réalise plus de 60 % de son chiffre d’affaires en coiffant les personnes âgées chez elle ou dans des maisons de retraite, mais ses employées coiffent aussi des familles. Forte de son succès, l’entreprise vient de lancer deux autres services à domicile: le ménage et le jardinage, tout aussi susceptibles d’intéresser les personnes âgées sans les viser précisément.
Or les plus de 55 ans représentent près de 70 % des dépenses afférentes à l’utilisation d’employés de maison. Et selon une étude réalisée par la Caisse d’épargne, «les services à domicile sont considérés comme un domaine d’élection des seniors, de nombreux économistes y décèlent d’ailleurs pour les années à venir un puissant gisement de croissance et de créations d’emplois» .
En France, comparativement aux start-up Internet que l’on a vu éclore un peu partout il y a deux ans, peu d’entreprises sont encore positionnées sur ce créneau. Cotée au second marché, une société comme Philippe Bosc demeure marginale sur le marché des seniors où la majorité des entreprises relève davantage du domaine médical. La plupart sont d’ailleurs de taille moyenne, présentes sur des marchés de niche à l’image de Ioltech, spécialiste de l’implant oculaire pour qui l’opération de la cataracte (généralement après 60 ans), constitue l’un des principaux débouchés.
Autre exemple, Audika, distributeur d’appareils auditifs. L’âge moyen de ses clients se situe autour de 65 ans. Le prix de ses appareils varie de 5 700 à 11 000 francs, sans prise en charge réelle de la Sécurité sociale (remboursement maximal de 1 310 francs) pour le moment.
L’aide au maintien à domicile, constitue en revanche un marché plus vaste, promis à un grand avenir. Médicaliser les patients chez eux plutôt que de les laisser séjourner à l’hôpital réduit en effet les dépenses de la Sécurité sociale. D’ailleurs, à l’image de l’hôpital Pompidou à Paris, la tendance est à la réduction du nombre de lits. Du coup les loueurs et vendeurs de matériels (fauteuil roulant, lit médicalisé, appareil respiratoire…) sont les grands gagnants de ce changement.
En France, Bastide Le Confort Médical et LVL Médical interviennent tous deux dans ce domaine.
La clientèle est généralement constituée de personnes âgées de 60 à 70 ans. Bastide et LVL Médical perçoivent directement leurs revenus de la Sécurité sociale via le système du tiers payant, d’où une réglementation très stricte en matière de tarif. LVL Médical en a d’ailleurs récemment fait les frais dans la région Ile-de-France, ou suite à une erreur de tarification il a écopé d’une suspension du tiers payant pendant trois mois.
Enfin, le dernier maillon de la chaîne et non des moindres, concerne les maisons de retraite, qui accueillent généralement les plus de 80 ans. Les séjours dans ce type d’établissement coûtent en moyenne 15 000 francs par mois. Dans ce secteur, un seul groupe, Medidep est coté à la Bourse pour le moment. Mais son principal concurrent Orpea pourrait l’y rejoindre. En attendant, Medidep compte actuellement 71 établissements (5 538 lits), contre une douzaine seulement voilà cinq ans. Le groupe s’est en effet constitué en rachetant progressivement des établissements à bas prix (moins d’une fois le chiffre d’affaires) pour les réhabiliter ensuite, le tout financé par la Bourse.
Reste que l’administration est en train de préparer le terrain à une réglementation très stricte, au niveau sanitaire et tarifaire. «Ceci va certainement contraindre les petites maisons de retraite à fermer faute de pouvoir se mettre aux normes, et laisser ainsi le champ libre à des groupes comme Medidep» , confie un analyste. En Bourse, Medidep affiche de loin le plus beau parcours du secteur, son cours a en effet été multiplié par sept depuis l’introduction du titre en juillet 1998. De quoi faire rêver ceux qui avaient misé sur le nouveau marché et qui ont vu l’indice reculer de 43 % sur la même période.