Aurélie Aulagnon : Gestion du Covid 19 et Ehpad: vers la fin du modèle français? Un triste constat.

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Des résidents découverts morts dans des EHPAD en Espagne suite à une fuite des soignants, dépassés et sans protection (Source)

Par Aurélie Aulagnon (contact(at)aurelie-aulagnon.com)

Ce n’est pas le mauvais scénario d’une série de Canal + diffusée récemment, non. (Pour les profanes, je fais référence à la série Effondrement, à voir absolument)

A côté de ça, les annonces de décès multiples dans les EHPAD se succèdent en France (Source)

Mars 2020, ça y est, le modèle français de gestion de l’hébergement et des soins des personnes âgées dépendantes, déjà à bout de souffle, s’écroule.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Commençons par un bref rappel historique…

Traditionnellement et culturellement, on va dire jusqu’au milieu du 19eme siècle, la gestion des aînés était une affaire privée, familiale. L’espérance de vie étant bien plus réduite qu’aujourd’hui, la question de l’entretien de la personne, sa dépendance ne se posait que rarement ou peu longtemps.

Puis sont passés par là révolution industrielle, exode rural, travail des femmes, âge de départ en retraite, société de consommation… Conjugués à l’allongement de l’espérance de vie grâce aux progrès de la médecine et à l’amélioration des conditions de vie, la gestion des personnes âgées s’externalise peu à peu de la sphère privée et devient une chose publique.

Les maisons de retraite, puis EHPAD sont mis en place.

On voit fleurir ainsi des politiques engagées autour de la question du vieillissement, des rapports en veux-tu en voilà, des ministères chargés des personnes âgées, des lois qui se succèdent (d’ailleurs, avec ce COVID 19, on est pas prêt de l’avoir, notre loi autonomie et grand âge)…à juste titre, car besoin il y a.

En France, la gestion des personnes âgées se fait davantage sous l’angle médical plutôt que sous l’angle social. C’est un parti pris des politiques successives.

Sauf que le capitalisme aidant, les hôpitaux, et donc les établissements médico-sociaux sont amenés à être gérés de plus en plus comme des entreprises. Gestion des lits en flux tendus, taux d’occupation maximum, rentabilité, grands ensembles hospitaliers et grands EHPAD au sacrifice des petits hôpitaux de campagne et petites maisons de retraite…

Aujourd’hui, ce modèle a montré ses limites. Nous nous retrouvons avec un manque de lits de réanimation dans les hôpitaux car des lits vides, ce n’est pas rentable.

Et nous nous retrouvons avec un manque de soignants en hôpitaux, en ESMS et SSAD.

Je ne m’étendrai pas sur la polémique des masques.

Le résultat est que nous nous retrouvons aujourd’hui avec des personnes chargées du soin des personnes âgées sans moyens (matériels et financiers). Qui veut partir à la guerre sans arme ?

Le pompon ?

Il nous est demandé de nous confiner chez nous. De ne pas croiser plus de 5 personnes par jour. Certes.

Mais à combien sont-ils confinés en EHPAD ? Entre le personnel et les résidents ?

Avec une immense probabilité que le personnel, qui je le rappelle, manque de protection, ramène le virus de l’extérieur ?

Et où, l’éloignement physique des familles, aidant, les activités collectives et animations de groupe sont privilégiées ?

Avec un manque de personnel (résiduel, d’une part, et d’autre part en ce moment malades) qui signifie moins de temps pour les désinfections, plus de fatigue de la part du personnel restant (et donc risque d’erreurs dans les gestes barrière)… ?

A l’isolement physique et sociétal de nos aînés s’ajoute leur terrible mis au ban du reste de la population en ne comptabilisant pas les personnes décédées en EHPAD à cause du COVID 19 (Source)

Mes articles sont d’ordinaire plus joyeux et optimistes, mais là, j’avoue être en colère contre la gestion de l’épidémie pour nos personnes âgées, qui est le reflet du manque de considération des décideurs envers cette population à mes yeux.

Je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la façon dont aurait été gérée cette crise sanitaire si le virus avait touché davantage les enfants. Je préfère ne pas savoir.

Alors oui, heureusement, le changement de paradigme est en marche, mais un peu lent à mon goût.

J’espère que nous saurons tous tirer les enseignements de cette crise, et réinventer le modèle.

 

 


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