Le rôle des groupes de protection sociale dans le champ de la Silver économie et plus largement de la longévité est important. Faisons le point avec Frédéric Roullier, directeur retraite complémentaire du groupe Humanis
Frédéric Roullier, pouvez-vous présenter votre rôle ?
Je suis Frédéric ROULLIER, directeur retraite complementaire du groupe Humanis. Mon travail premier est d’assurer la gestion de la retraite aussi bien du côté des entreprises, autrement dit les cotisations, que du côté des salariés. Il s’agit d’informer ces derniers sur les évolutions de leurs droits à la retraite. Ensuite, il s’agit, bien sûr de la gestion des retraités, aussi bien, lors du passage à la retraite que du versement des prestations.
Pouvez-vous nous présenter le groupe Humanis ?
Nous sommes un groupe de protection sociale avec deux cœurs de métiers : celui de la retraite que je viens d’expliquer et celui du métier de santé et de prévoyance. Il s’agit d’apporter des solutions de protection sociale pour toutes les personnes et leurs familles sur les risques santé, prévoyance et vieillesse. Nous avons ainsi une vision complète sur les besoins des personnes actives et retraitées.
Concernant vos actions sociales, pouvez-vous me donner des exemples ?
Déjà, il faut savoir que pour l’Action Sociale Retraite, nous sommes coordonnées par l’Agirc Arrco. Nous sommes dans un cadre que nous appelons les « actions prioritaires ». Il y a, tous les 3 à 4 ans, une analyse et une revue stratégique par les partenaires sociaux, par l’Agirc Arrco et les groupes de protection sociale sur le fléchage des activités sociales des différents groupes. Cela représente environ trois quarts des actions sociales que nous menons. Ensuite, le quart restant est laissé à l’appréciation de chacun des groupes qui vont chercher à être présents davantage sur telles ou telles actions.
Les actions sociales stratégiques touchent actuellement le retour à l’emploi des personnes les plus défavorisées, les dispositifs sur le bien vieillir depuis la prévention, en passant par des stages à la préparation à la retraite qui ciblent les personnes qui sont proches de la retraite, mais aussi des actions dans le champ du maintien domicile.
Un troisième point stratégique concerne l’aide aux aidants comme les propositions de répit ou encore notre portail Internet Essentiel Autonomie, etc
Notre quatrième axe stratégique est notre rôle dans les Ehpad, puisque nous gérons des établissements pour les personnes âgées.
Concernant plus précisément les actions sur l’axe du maintien à domicile, pouvez-vous nous donner des exemples ?
Nous proposons, par exemple, le diagnostic « Bien Vivre chez Moi », qui est notamment composé d’un numéro de téléphone que n’importe quelle personne peut appeler pour avoir des réponses sur des problématiques précises. Nous pouvons aussi orienter les demandes vers des installateurs ou des professionnels agréés de façon à sécuriser notamment l’acte commercial dans le respect des personnes âgées. C’est aussi la possibilité de faire venir chez la personne, un ergothérapeute qui va pouvoir faire un bilan complet de la situation précise avec des recommandations sur les aménagements nécessaires dans le domicile. Nous pouvons également être en relais pour proposer des aides financières pour financer ces aménagements du domicile.
Nous avons des budgets assez importants, au niveau du groupe Humanis, qui sont alloués à ce type d’opérations dans le champ du maintien à domicile.
Existe-t-il des procédures que vous suivez pour financer ou refuser de financer tel ou tel dispositif, système ou service entrant dans le cadre de l’aménagement du domicile pour le maintien de la personne âgée ?
Tout d’abord, dans le sujet de l’action sociale, il y a deux principes de base : le premier est que nous ne pouvons jamais financer une action récurrente. C’est-à-dire que, nous n’allons jamais donner une somme d’argent régulière à une personne. Ce sont toujours des aides qui correspondent à des situations particulières et à des projets donnés avec une aide ponctuelle. Il peut y avoir plusieurs aides s’il y a plusieurs projets, mais il n’y aura qu’une seule aide pour chacun des projets.
Le deuxième principe est que l’aide qui est apportée n’est pas forfaitaire. Nous allons donc étudier la situation de chaque personne et nous allons travailler sur la base d’un référentiel, qui garantit que la situation de chaque personne est traitée de manière équitable. Ainsi, avec ce référentiel et en fonction de la situation économique de la personne, nous allons octroyer un montant d’aides suivant des barèmes qui sont définis.
Toujours dans le cadre du maintien domicile, comment percevez-vous le foisonnement d’innovations que nous voyons à l’heure actuelle dans le champ de la Silver économie ?
Au niveau d’Humanis, nous sommes déjà très moteurs dans ce secteur, puisque nous menons des actions avec des start-up. Nous avons en quelque sorte , un rôle que nous pourrions qualifier d’incubateur, avec un budget qui est réservé à l’incubation de start-up, pas uniquement sur le maintien à domicile, mais aussi sur la prévention par exemple. C’est par exemple le cas du dispositif Préventeur.
Personnellement, je pense que nous sommes dans une période où il y a un foisonnement d’idées et d’innovations. Il va falloir que l’ensemble se structure quelque peu, parce que les défis que nous avons devant nous, sur l’évolution du grand âge sont colossaux. Le nombre de personnes de plus de 80 ans va fortement progresser dans les 10 à 15 prochaines années.
Concrètement, nous avons récompensé dans le cadre du programme Adopte un Entrepreneur, 34 start-up qui ont un fort impact social et ainsi nous encourageons l’entreprenariat et les innovations sociales.
En ce qui concerne les aidants, quels types d’actions menez-vous ?
Nous avons lancé le site Essentiel Autonomie qui a été fréquenté par plus de 2 millions de personnes l’année dernière. Nous avons développé ce site autour des différents parcours qui concernent les aidants.
Le sujet des aidants peut passer par les entreprises, notamment via les complémentaires santé, mais objectivement, aujourd’hui, c’était encore assez compliqué de mobiliser les entreprises sur ce sujet. Bien sûr, cela va changer parce que la problématique est en train d’émerger. Ainsi, je pense que dans trois à cinq ans, il y a de plus en plus de produits qui seront intégrés dans les assurances complémentaires santé, parce que de plus en plus d’entreprises ont des moyennes d’âge de leurs salariés qui avoisinent les 45 ans. Ainsi, de plus en plus de salariés sont potentiellement dans ces situations.
En conclusion
En Europe et plus particulièrement en France, nous avons intérêt à ne pas dissocier le projet du financement de la retraite et celui de l’approche du vieillissement. Bien entendu, mettre en place des systèmes de retraite et étudier les financements nécessaires, est indispensable. Mais, à mon sens, ce n’est pas suffisant, car il faut embarquer ce sujet dans une réflexion plus globale, celle du vieillissement.